Crisscross : nom masculin désignant une disposition de choses qui s'entrecroisent. En matière criminelle, deux parties s'engagent à effectuer chacune la sale besogne de l'autre, accomplissant par là la volonté de l'autre sans que celle-ci ne puisse s'y voir liée directement.

En l'espèce, deux inconnus se rencontrent dans un train, l'un dont le paternel est fortuné, Bruno Antony, et l'autre, Guy Haines, joueur de tennis professionnel réputé. Futé, Bruno devine la haine de Guy envers sa femme et lui propose, après avoir confié sa propre haine envers son père, le crime parfait. Le mobile du meurtre éventuel impliquant à tel point l’un et l’autre qu’ils ne peuvent passer eux-mêmes à l’acte, Bruno expose ainsi son plan : il se chargera de l’assassinat de Miriam, la femme de Guy, lequel s’occupera de son côté du père de Bruno. Comme ils ne se connaissent pas, le lien entre eux et avec les futurs meurtres serait ainsi en théorie inexistant. Pensant à une mauvaise blague, Guy quitte le train en sous-entendant innocemment « Sure, Bruno, we talk the same language… ». Mais il en est un qui prit cette déclaration au sérieux, ce que finira par apprendre à ses dépends Guy lorsque lui sera rapporté le meurtre de sa femme...

Par son scénario, ce Hitchcock est un très bon cru. Sans jamais révolutionner son propre style ni en abuser, la réalisation du Master of Suspense gratifie son Strangers on a Train de certains plans superbes lorsque jouant d’ombres, lumières, silhouettes chapeautées et perspectives habiles. Sur le plan musical, la présence répétée de la chanson « And the Band Played on » fut pour moi un clin d’œil fort appréciable au film The Strawberry Blonde de Raoul Walsh :

(« […] Casey would waltz with the Strawberry blonde and the band played on. […] He’d marry the girl with the strawberry curl and the band played on… »)

Les autres accompagnements musicaux sont également bien adaptés aux scènes portées à l’écran, comme c’est de toute manière toujours le cas avec « Hitch ». Concept somme toute très intéressant par cette idée du meurtre parfait perpétré l’un pour l’autre par deux inconnus rencontrés par le Hasard, à même de titiller notre imagination perverse comme l’on se prend à aimer le faire en regardant ses films, Strangers on a Train est pourtant parvenu à relever le difficile défi de me laisser émotionnellement étanche.

La faute à des personnages et situations qui m’ont parues d’une fadeur étonnante en comparaison à l’habituel pouvoir d’attraction ressenti devant un film du maitre réputé du suspense. Des personnages, justement, qui sont très loin de m’avoir convaincu, notamment un Farley Granger en Guy Haines qui jamais ne m'a touché par son jeu. Fade et maladroit, son jeu d'acteur ajouté aux performances décevantes des seconds rôles ont eu pour conséquences de me planter devant mon écran tel un spectateur dénué de toute sensibilité. Au contraire de Robert Walker en Bruno Antony, pervers moral à l'astuce vive qui, bien que dans un rôle peu attractif de par son personnage et ses lignes de dialogue que je n'ai pas toujours trouvé appropriées, s'en tire pourtant avec les honneurs. Juste et intelligent, son jeu est convaincant au demeurant sans pour autant parvenir à maintenir même tiède la température d'un long-métrage qui ne m'a pas réchauffé les entrailles.

Il est toujours déplaisant de manger un plat froid. Surtout quand celui-ci s'annonçait délicieux sur le papier. A moins que ne soit froid que ce que l'on ressent comme tel. Oui, c'est toujours la même chose. Question de perspectives émotionnelles, sans aucun doute.
Taurusel
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le 25 oct. 2012

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Taurusel

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