L'Inconnu du lac par pilyen
Lors du dernier festival de Cannes, si l'on en croit la presse qui fait l'opinion, il y a eu deux très grands films, français de surcroit, tournant autour de l'amour, du désir et de la passion, deux films mettant en scène l'homosexualité. " La vie d'adèle" qui a obtenu la palme d'or, un budget conséquent et qui ne sortira qu'en octobre et "L'inconnu du lac" d'Alain Guiraudie, petit budget et depuis aujourd'hui sur les écrans.
Les médias qui décernent les lauriers sont tous ébaubis par ce polar nudiste mais également ce coup de pied bien placé dans le cinéma bien-pensant. Bon, des journaux plus conservateurs parlent de porno lent et rasoir, mais les mêmes présentaient Frigide Barjot avec admiration...
Alors qu'en est-il vraiment ? Une chose est certaine, l'idée de voir des hommes nus sous toutes les coutures attire les dames du troisième âge qui remplissaient aux deux tiers la salle où j'ai vu le film aujourd'hui. Elles étaient émoustillées comme des jeunes filles se rendant dans une boîte à gogo dancers, elles parlaient et riaient fort en entrant ...et beaucoup moins en sortant, car le film leur a sérieusement cloué le bec et c'est déjà un bon point.
Le silence est d'ailleurs intervenu dès la première image de ce parking sous les arbres, la bande son, uniquement composée des bruits ambiants, du bruissement des feuilles, des clapotis du lac, des pas sur les cailloux, ayant imposé d'emblée son pouvoir.
Un jeune homme descend de sa voiture et se dirige vers un lac où bronzent et s'observent des hommes seuls ou en couple, la plupart nus. C'est Franck, vivant sereinement son homosexualité faite de désirs soudains et d'étreintes rapides dans les sous-bois avoisinants. Il rencontre Henri, homme solitaire, divorcé, toujours habillé, à la recherche d'échange et d'amitié plutôt que de sexe, avec qui il va nouer une relation amicale. Mais Franck va flasher pour un beau mâle qu'il surprendra un soir en train de noyer son amant du moment comme on se débarrasse d'un vêtement démodé. Il va cependant tomber vraiment amoureux de ce dangereux individu...
La première chose qu'il faut reconnaître à ce film, c'est d'imposer un décor en dehors des sentiers battus.
Gonflé de situer son film uniquement sur une zone de drague gay et, qui plus est, plage nudiste! Mais attention, ici rien n'est gratuit, pas de voyeurisme malsain. Le cadre sert au propos libertaire du réalisateur mais aussi à l'histoire. Les hommes sont nus mais sans être impudiques, seulement libres sous le soleil, un peu comme dans un petit paradis hédoniste. Et même si on en voit un éjaculer ou faire une fellation à son compagnon, ce n'est jamais choquant, car Alain Guiraudie met naturellement en scène l'amour. Il filme un sexe comme n'importe qu'elle autre partie du corps. C'est radical pour certains, militant sans doute dans son idée de ne pas dissocier amour et sexualité (ben oui, on utilise ses organes génitaux quand on est amoureux), mais crédible et sain. Pour le coup, c'est une sacrée prouesse et donc le signe d'un réalisateur qui a des couilles (oui, je sais c'est facile....) car à partir d'un propos qui peut sembler uniquement gay, il s'adresse en fait à tout le monde, renvoyant le spectateur à s'interroger sur ses propres désirs, sur son rapport à l'amour (physique ou pas), à la représentation que l'on en fait. Et comme ces hommes sur cette plage parlent aussi, et pas pour ne rien dire, le message touche à l'universel.
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