À travers l'apparente trivialité des dialogues et des situations, Guiraudie met en place une réflexion intéressante sur notre rapport à l'amour – en particulier l'amour charnel, et sur ce que l'on voudrait en voir au-delà. Comme le protagoniste continue de s'éprendre de son amant qu'il sait meurtrier, oscillant entre la crainte et l'abandon total à l'autre, le film se construit comme une succession de frontières à franchir – permettant de passer de la peur à la passion, ou encore de la sérénité à l'inconnu –, cloisonnant différents champs à explorer – tour à tour sensitifs et spirituels, matérialisés par une gestion très rigoureuse de l'espace. À cet égard, les idées de mise en scène du film prennent une dimension quasi-topologique, où les interactions entre les personnages s'effectuent avec les contraintes d'un espace ordonné, où chaque déplacement en son sein prend une dimension presque mathématique. Mais, et c'est peut être l'idée maîtresse du film, à la paramétrisation de l'espace filmé s'oppose continuellement l'espace lui-même, une nature omniprésente, véhicule d'imprévisibilité et de viscéralité (il est finalement impossible de réduire les différents sous-espaces du films – le lac, la rive, la forêt, le parking et le hors champ toujours évoqué – à un certain type d'action). Dès lors, le réalisateur ne quitte jamais vraiment son son sujet et trouve une esthétique qui lui est totalement cohérente.