On se dit dès les premières secondes que quelque chose ne va pas chez Ichiko. Un je-ne-sais quoi indéfinissable, que l'on n'arrive jamais à cerner.


La symbolique utilisée par l'affiche française se montrerait presque un peu lourde là-dessus. On parlera ici sans doute des questions du double en les décodant et en les analysant en long et en large.


En parlant sans doute de cette famille dans laquelle cette infirmière se fond avec discrétion et zèle. Une quasi soumission, presque une excuse constante d'exister comme les affectionne la société japonaise. Et, dans un même temps, cette famille qu'elle essaie de se reconstituer, semble-t-il, sans passion excessive ni amour démonstratif.


On parlera aussi de double temporalité, d'enfermement dans lequel la réalisation inscrit l'héroïne, et d'isolement.


On se perdra aussi, sans doute, sur certaines pistes du pourquoi et du qui. Des questions qui importent au réalisateur qu'en périphérie, achevant de déclasser son oeuvre du genre thriller pour le faire émarger dans le registre du drame intimiste, ce qui ne plaira sans doute pas à tout le monde.


Un drame qui, en plus, se construit autour d'une mèche à combustion assez lente, obstacle supplémentaire pour certains qui s'ennuieront rapidement dans la salle. Avant de consumer Ichiko. Avant que sa vie ne lui échappe, que l'horizon qu'elle se dessinait ne se dérobe, que les silences et la malveillance ne l'entraînent dans l'ombre de l'existence.


Quelque chose ne va pas chez Ichiko, à l'évidence. Mais on ne peut s'empêcher d'éprouver à son endroit l'empathie du malheur et de la suspicion sourde qui s'abat sur elle. Grâce à l'interprétation forte et très juste de Mariko Tsutsui, qui prête à son personnage son feeling lointain, tandis que le réalisateur colle toujours au plus près de son héroïne. Dépeignant un jeu double qui tangue entre culpabilité et connivence avec la fille aînée de la famille. Dépeignant aussi une attirance, une confiance, des moments partagés qui ne résisteront pas à la tourmente provoquée, au feu médiatique déchaîné, au sol qui se dérobe peu à peu sous les pieds.


D'accusée, Ichiko devient la victime dont on s'écarte, que l'on se refuse à aider.


Et la dernière partie de L'Infirmière se teinte d'abîme et de vengeance, avant que la force du destin ne se rit d'elle, affirmant l'ironie ou l'absurdité. Avant de sombrer. Soulignant que le silence s'est mué en piège.


Vous comprendrez donc bien que le masqué a bien apprécié. Sauf qu'il devine que son élan bienveillant, en partie motivé par un très joli rôle qui l'a touché, sera loin d'être partagé par tous. Décidément, quelque chose ne va pas non plus chez celui-là.


Sauf que cela, vous le saviez déjà depuis un bail...


Behind_the_Mask, qui espérait savoir ce qui se cache sous la blouse de son infirmière.

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le 14 août 2020

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