Une certaine déception malgré ce 7 généreux qui correspond dans ma notation à la valeur sûre, l’œuvre de bon goût.
C’est qu’en effet, passée sa première moitié, le film change de ton et quasiment de scénario pour s’emberlificoter dans une nouvelle intrigue ruinant un peu les acquis obtenus jusque là, qui laisse en tout cas en plan une piste fort intéressante. La faute en revient sans doute à cet excité de Blake Edwards qui devait penser à cette époque que le moindre soupçon de risque d’ennui serait fatal au film et à sa carrière, résultat on a quasiment deux films pour le prix d’un.

L’aspect qui reste pour moi le plus convaincant est la façon dont le film travaille sur un certain type de comédie sexuelle en installant un personnage de femme très attirante, mais meurtrière supposée. En face d’elle son antithèse sous la forme d’un fonctionnaire un peu niais, pas vraiment à la hauteur physiquement, le genre rigolo-sympathique, tombé amoureux au premier regard, que la belle va pouvoir aisément mener par le bout du nez. Novak devenue l’incarnation depuis Sueurs froides de la blonde mystérieuse et fatale convient parfaitement, tandis que Lemmon, c’est simple : on dirait que le film est écrit pour lui. Lemmon joue à la perfection l’anxiété comique de la situation, tiraillé entre la promesse de jouissances paradisiaques (auxquelles il ne devrait pouvoir goûter qu’en rêve) et les avertissements pleins de raison de son boss (un Fred Astaire impeccable dans un rôle de diplomate plus anglais que nature). La situation donne lieu à une scène clé où Lemmon soupçonne Novak d’avoir versé du poison dans son verre, il ne peut évidemment pas lui révéler ses soupçons, ce qui serait renoncer à elle, d’un autre côté boire revient à s’offrir consciemment en sacrifice. L’efficacité de cette scène tient entièrement dans la symbolique sexuelle qu’elle sous-tend. Le motif criminel et sa résolution n’ont au fond d'intérêt que parce qu'ils signifient, sans jamais en parler, que Novak est une mante religieuse et qu'elle n'accepte les avances de Lemmon que pour mieux le boulotter.

Hélas, au lieu de préserver cette symbolique si réjouissante et féconde, le film adopte ensuite un style de comédie policière à rebondissements bien plus conventionnel. Tout cela se laisse tout de même regarder sans déplaisir et grâce à son final assez débridé et réussi le film finit par emporter l’adhésion.
Artobal
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le 16 août 2013

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Artobal

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