Grosse, grosse déception, pourtant je suis parti sans à-priori, et je me suis effroyablement ennuyé.

D'abord, il faut préciser que le film réalisé en 1938, est un pur produit de son époque : aseptisation d'hollywood, nécessité de faire un cinéma "respectable", "convenable", "conformiste". Un cinéma d'artisans, formaté pour plaire à un nouveau public de femmes, d'où la multiplication de drames sentimentaux avec de grandes héroïnes, au détriment par exemple du western. (Et Wyler qui faisait essentiellement des westerns durant le muet, a dû abandonner ce genre dans ces années 30, pour convenir à cette nouvelle cible d'hollywood).

Et "L'insoumise" c'est totalement ça, un bon gros mélo féminin bien calibré mais aussi complètement désuet. Alors ça ne veut pas dire que le genre est mauvais en soi, et qu'on ne peut pas avoir de bons films dans ce style.
D'ailleurs, je suis sûr d'avoir un petit côté fleur bleue caché, même si ça ne doit pas vraiment se ressentir en me lisant..
Mais là, j'ai trouvé le film raté pour toute une série de raisons :


* La déchéance d'une société

Mouais.. Ce film illustrerait, lors de la période de la guerre de sécession, l'effondrement du sud marécageux, de ses valeurs archaïques supplantées par la modernité du nord. Un monde mourant et voué à disparaître..

On m'ôtera pas de l'idée que pour filmer une société qui s'effondre, Fellini, c'est quand même déjà plus funky (Au choix entre Il Bidone, La Dolce Vita, Satyricon, Casanova). La comparaison est certes anachronique et peut-être injuste, mais thématiquement c'est la même chose, le traitement est juste plus riche, plus complexe, plus passionnant, plus osé, et surtout plus maîtrisé. Ici le récit est extrêmement laborieux et confus (j'y reviendrai).

* L'histoire d'amour entre les personnage de Bette Davis et Henry Fonda

J'ai rarement vu un couple aussi dépareillé.. Fonda, encore jeune premier a un balai dans le derrière tellement énorme que ça en devient gênant. A l'écran il ne se passe strictement rien entre lui et Bette, c'est tout plat, aucune alchimie, aucune émotion, aucune complicité, chacun fait sa propre partition dans son coin sans trop se soucier de l'autre.. Du coup, c'est très dur de s'intéresser à ce supposé amour fou, car très dur d'y croire.

Le personnage de Bette est "sauvage", sans complexe, j'aurais plus tendance à penser qu'elle serait du genre à lui balancer des cailloux à la tronche au personnage de Fonda, aussi lisse, poli, et propre sur lui.

Bette Davis, elle le croque sans pitié ce Fonda insipide. Cette relation déséquilibrée, on ne la retrouve pas du tout dans "Autant en emporte le vent" car Fonda (jeune), c'est pas Clark Gable.


* Un récit extrêmement laborieux

Il n'y a pas d'unité, on a divers éléments qui s'enchaînent, une succession de séquences disparates, de personnages secondaires invisibles (dont la tante qui pourtant a obtenu un oscar, alors qu'elle doit avoir à tout casser trois répliques), de multiples thématiques traitées maladroitement et par-dessus la jambe : une épidémie zombiesque et une histoire de zone interdite, qui arrivent dans l'histoire comme un cheveu dans la soupe. Des histoires de duel qui font frémir tout le monde, et qui sont aussitôt oubliées dans la minute qui suit.. Un coup sur la politique et la guerre de sécession lors d'un repas (le meilleur moment du film pour moi), un coup sur la création d'un train..
Des rebondissements vaseux et artificiels pour tenter de relancer l'intérêt du truc(pourquoi en vouloir à Bette alors qu'elle n'a fait qu'inviter un type à table?).

Et puis, il faut quand même se rendre compte que les 40 premières minutes, c'est l'histoire d'une meuf tellement rebelle (d'où le titre français), qu'elle va "oser" porter une robe rouge à un bal où toutes les femmes sont en robe blanche. Peut-être que ça correspond à quelque chose de réellement choquant pour l'époque et le contexte, mais ce côté guimauve affolante disney sur une aussi longue durée, à un moment je sature. (Même si, je dois avouer que les scènes de bal sont absolument magnifiquement filmées et assez magiques, irréelles).

Et la morale du film c'est quand même une joyeuse blague. L'insoumise, c'est donc cette nana qui ose porter une robe rouge, qui se prend un rateau en pleine face parce qu'elle a osé ne pas se conformer aux usages, qui se retrouve seule, et qui finalement va retrouver son cher et tendre, et pour lui plaire, va se résoudre à porter sa plus belle robe blanche, apprendre à se tenir comme il faut, et se sacrifier pour lui, parce que l'amour est plus fort que tout blablabla. On a quand même vu des trucs plus progressistes (et plus passionnants).

* Problèmes de rythmes

Tout ce qui précède ne m'aurait pas fondamentalement dérangé, si je ne m'étais pas ennuyé à ce point. Et je vois là d'énormes problèmes de rythmes. Jamais le bon tempo.
Soit c'est trop rapide, comme lors du début du film, qui démarre sur les chapeaux de roues, avec un déluge hallucinant de dialogues (pas de situation initiale d'ailleurs), hyper épuisants...
Soit c'est invraisemblablement lent, et le film n'en finit plus de finir : Bette qui fait des yeux doux, embués de larmes, pour apitoyer le spectateur, pendant de longues minutes, et au chevet d'un Fonda fiévreux.. Interminable.

Bref, ce fut une souffrance.

Ah, y a une réplique qui m'a fait exploser de rire, a un moment Bette Davis et un domestique noir partent dans la nuit, pour tenter de rejoindre la zone interdite, et ils ont peur de se faire repérer par des gardes, et le domestique noir fait : "Moi on me voit pas la nuit".

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le 28 août 2013

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KingRabbit

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