Au Proche Orient, on en vient vite aux Extrêmes ! Le contremaître Yasser rénove un quartier de Beyrouth. Sur son balcon, Tony arrose ses plantes... et Yasser ! Ce dernier fait poser une dérivation sur la gouttière. Tony la détruit aussitôt. Sa gouttière continuera à arroser les passants... Écœuré, Yasser lâche : "Sale con !" Quand Tony exige des excuses pour insulte, Yasser refuse. Tous deux s'entêtent, et malgré des tentatives de médiation, la situation dégénère.
Au tribunal, le conflit psychologique vire au film de procès. La vie de Tony (Chrétien libanais admirateur des milices chrétiennes) et celle de Yasser (réfugié palestinien) sont révélées au grand jour. Un lourd passé, difficile à assumer, pèse sur leurs consciences. Des massacres remontent à la surface, liés à l'histoire du Liban, d'Israël et de la Jordanie. Le public s'enflamme, les journalistes propagent les querelles. Dans la poudrière de Beyrouth, l'excitation ranime les vieilles rivalités entre Chrétiens, Palestiniens et musulmans. Le Président de la République doit intervenir !
Une telle dérive semble ubuesque, mais le cinéaste la rend crédible par une mise en scène fluide et efficace. La violence verbale et physique, d'abord individuelle, se répand comme une nappe d'hydrocarbures autour d'un pétrolier en détresse. Au cours du procès, elle contamine les communautés, engendre une crise politique. Les pathologies individuelles réveillent les vieilles pathologies sociales. Chacun alimente le brasier de la violence avec une passion hypnotique.
"L'insulte" convainc grâce à d'excellents acteurs, bien dirigés, et à sa simplicité narrative. Il transpose à Beyrouth l'effet papillon. Un incident microscopique déclenche une crise nationale. Des révélations et des surprises font rebondir l'action. Au cours du débat (Cinexpérience), Ziad Doueiri confirme que dans le chaudron du Liban, continuer à raisonner et à agir en militants communautaires est suicidaire. Chrétiens, musulmans, Palestiniens, Druzes, tous peuvent se reprocher des injustices et des massacres depuis 1975. Ruminer les vieilles rancœurs c'est souffler sur les braises. Les Libanais sont-ils capables de tirer les leçons de la guerre civile et de faire la paix entre eux ?