Au culte des héros a succédé celui des victimes. Quand ? Depuis l’affaire Calas ? Ou beaucoup plus récemment ? Peu importe. Le film de procès est peut-être usé jusqu’à la corde mais Ziad Doueiri renouvelle le genre en construisant un récit dans lequel ce n’est pas la justice qui est en jeu mais la reconnaissance de la souffrance de toutes les parties. Il n’y a plus de héros ; il n’y a que des victimes. Dans le contexte proche-oriental contemporain où les esprits sont travaillés par la mobilisation incessante de mémoires communautaires douloureuses, cela peut sembler difficile à admettre. S’il y a des victimes, c’est parce qu’il y a des bourreaux. Mais non… Aux bons connaisseurs du Liban, laissons l’appréciation globale de la démarche du réalisateur qui peut, vue de loin, sembler favoriser un camp plutôt que l’autre, pour apprécier la portée plus universelle du conflit entre le garagiste chrétien militant des « Forces libanaises » et le chef de chantier palestinien, apparemment apolitique mais au passé lourd. L’humiliation, la haine, l’accumulation des passions négatives et leur récupération par les organisations chargées de politiser les enjeux sont bien mises en scène. Que ceux qui ont massacré en 1982 le quartier de Sabra et le camp de Chatila et regrettent que Sharon n’ait pas tué tous les Palestiniens aient leurs raisons ne laissera perplexes que ceux qui ignorent les tueries que les milices « palestino-progressistes » ont perpétrées dans la ville de Damour en 1976. Vendettas sanglantes qui s’enchaînent et qui ont pu commencer comme cette altercation banale entre deux hommes à cran. Évidemment, c’est à pleurer. L’habile cinéaste en fait un excellent divertissement. A qui la faute ?