À notre époque où Donald Trump et Kim Jong-Un sont devenus amis de récré, prêts à jouer ensemble mais toujours en se criant dessus, il est amusant de se plonger dans la comédie d’Evan Goldbert et de Seth Rogen sortie en 2014 qui avait elle décidé de se moquer de ce joufflu mégalomaniaque.


Mal lui en a pris, cela a valu à Sony l’un des plus grands piratages informatiques de l’histoire, dont la Corée du Nord serait la responsable. Une affaire incroyable, aux ramifications nombreuses, aux conséquences qu’il reste encore à toutes découvrir. Un jour, Hollywood en fera un film.


Il est difficile de juger The interview pour ce qu’il est, un film qui s’est retrouvé au sein d’une histoire politique, économique et technologique qui dépasse la comédie. Les attentes ont été déformées. Le point de vue modifié par ce qu’il a causé.


Cet aspect médiatique est d’autant plus intéressant que The interview est basé dessus. C’est le point de départ de la rencontre entre David Skylark, Aaron Rappaport et Kim Jong-Un. Skylark est le présentateur d’une émission de talk-show Skylark Tonight qui bat tous les records, rendez-vous compte, c’est sur son plateau qu’Eminem a avoué son homosexualité. Skylark sait qu’il le doit à son producteur, devenu son ami le plus proche. Mais Aaron veut qu’on le prenne au sérieux. Quand ils apprennent que Kim Jong-Un est fan de leur travail, ils veulent l’interviewer, ce qu’il accepte. La CIA, informée, va alors charger le duo d’empoisonner le dictateur.


(Ce qui en soit n’est pas la pire idée qu’a pu avoir la CIA au cours de son histoire)


Mais David et Aaron découvrent une Corée du Nord assez idyllique, présentée sous de beaux atouts, racontée avec la grâce d’un conte de fée. Kim Jong-Un n’a ainsi pas d’anus, sachez-le. Le fantasque Skylark va alors se rapprocher du dictateur, tous deux partageant bien plus de choses en commun qu’ils ne l’imaginaient, tels que les margaritas ou la musique de Katy Perry. Oui, une fois encore, après Godzilla ou les fantômes de Ring et de The Grudge, l’Amérique américanise un autre des grands méchants asiatiques.


Ce qui ne sera qu’une des péripéties rencontrées. Le plan ne va pas se dérouler comme prévu, et on retrouve bien l’humour de Seth Rogen et des films qui lui sont apparentés, avec de nombreux sous-entendus sexuels ou scatologiques. Tout n’est pas bon à prendre. Kim Jong-Un a été humanisé, pardon américanisé. Mais la version réelle du personnage, ce petit dictateur joufflu prêt à balancer sur des missiles sur ceux qui ne lui conviennent pas, semble pourtant tellement plus drôle, car plus inquiétante que son avatar de fiction défini par ses problèmes avec son père.


Mais c’est aussi là où l’analyse doit se montrer prudente, car le spectateur aurait tendance à sur-politiser le film, lui reprocher son manque de gravité. Le film assume seulement cette responsabilité au moment de l’interview, où la vérité du régime est enfin présentée, mais elle ne sera que difficilement visible tout le long. Les conditions de vie, la famine, la pauvreté sont évoquées, mais jamais montrées. Il s’agit de plaisanter, de s’amuser.


Et à ce titre il faut reconnaître l’alchimie des acteurs. Les bonus regorgent de scènes inédites, de nouvelles versions, de blagues improvisées. James Franco est Skylark, l’animateur un peu fou, déjanté, mais qui a malgré tout beaucoup de choses à régler. Son petit jeu outrancier fait des merveilles quand il reprend les mimiques des animateurs habituels. Seth Rogen incarne, pour une fois, un personnage un peu plus sage, qui veut être reconnu, mais malgré tout férocement attiré par la chef de la propagande. Tous deux ont l’habitude de travailler ensemble, ça sent la bromance à plein nez, ils jouent ensemble à merveille. Ils s’étaient rencontrés dans la série Freaks and geeks. Leslie Kaplan a aussi fait ses débuts dans cette série, elle joue l’agent de liaison de la CIA. Randall Park a l’honneur d’incarner Kim Jung-Un.


Devant le film, on a le sentiment que les acteurs s’amusent. C’est tout de même moins le cas du spectateur. Mollement amusant, mais suffisamment bien réglé pour se laisser porter et distraire. Tout le foin fait autour du film le dessert, car il ne s’agit que d’une comédie assez inoffensive, d’une plaisanterie de grands garçons. Évidemment, de notre côté de la frontière, c’est une gentille provocation. Dans cette Corée dictatoriale, l’idée de tuer leur grand leader a dû faire s’étouffer certains coréens. Certaines copies pirates ont dû circuler.


Mais ce n’est pas suffisant pour apprécier ce film. Evan Goldberg et Seth Rogen s’en sont mieux sortis sur This is the end en 2013, que je vous conseillerais plutôt.

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le 7 janv. 2020

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