L'Œuf de l'ange
7.4
L'Œuf de l'ange

Long-métrage d'animation de Mamoru Oshii (1985)

Une œuvre singulière et étrange que ce Oshii presque trentenaire, ayant piqué ma curiosité aux détours d’une page d’Animeland —feu le fanzine— à l’âge de 15 ans. C’est à cette époque, comme je l’ai déjà mentionné sur Ninja Scroll, que certaines images se sont imprimées dans mon esprit de manière indélébile.

Amano, c’est cette mélancolie des traits, cette délicatesse dans le tracé des corps, des visages, des chevelures, des ornements et des vêtements ; si féminin, si émouvant, épuré, fin mais détaillé. La poésie des lignes au service de l’émotion, en somme.

Oshii quant à lui pose déjà les jalons d’une filmographie tournée vers la contemplation habitée d’une humanité transfigurée, au bord du gouffre, en quête de sens. Déjà, on sent toute la vacuité laissé par l’absence, ou la non présence d’un créateur, ayant livré à l’abandon les hommes et leur monde trop vaste, comme un légo oublié et renversé (je cite allègrement Bashung, si ça ne vous dérange pas).

Tenshi no tamago c’est un peu de symbolique biblique —sans la lourdeur d’un traitement puritain, servant beaucoup de poésie noire ; le tableau désespéré d’un monde post apocalyptique évoquant un enfer de désolation empruntant plus au mythe de Sisyphe qu’aux évangiles.

La rencontre de Oshii et de Amano. La profondeur du traitement et l’intensité émotionnelle du trait.

Et plus qu’une musique ; une bande sombre onirique.

Un tableau de rêves anxiogènes peuplé d’âmes moribondes, l’instinction du jour et de l’agitation passée. Juste des fenêtres ouvertes donnant sur des maisons vides et éteintes, et la nuit perpetuelle, le vent perpetuel, la solitude éternelle.

Chaque plan s’impose avec la puissance évocatrice d’un impressionnisme de cauchemar.

Et plus qu’une musique ; cette bande sombre onirique.

Et cette fillette, lunaire.

Seul luminaire.

(Burton, Elfman, vous étiez déjà surpassés en 1985)

Une œuvre singulière, à la beauté décalée, parfois opaque. Comme pour voir au travers d’une coquille d’œuf, il suffit de se concentrer sur la lumière cachée derrière.
real_folk_blues

Écrit par

Critique lue 3.4K fois

97
14

D'autres avis sur L'Œuf de l'ange

L'Œuf de l'ange
LeDinoBleu
8

Mamoru Oshii comme vous ne l'avez jamais vu

La petite fille a des cheveux de vieille femme, secs et blancs, son regard est triste. Sous sa robe aux couleurs pâlies par le temps, contre son ventre, elle porte un gros œuf partout où elle va...

le 26 sept. 2011

56 j'aime

10

L'Œuf de l'ange
Grimault_
8

Requiem for a Dream

L’apocalypse ne va pas forcément de pair avec l’idée de fin du monde dans le fracas et les cris. L’Œuf de l’ange de Mamoru Oshii, sous forme de parabole biblique, propose au contraire une errance...

le 26 sept. 2020

40 j'aime

2

L'Œuf de l'ange
Citizen-Ced
7

Omelette mystique

Un des premiers films du papa de Ghost in the Shell, Patlabor et Avalon, dont j'ignorais l'existence jusqu'à il y a peu. C'est une très belle découverte, un film expérimental, quasi-muet, splendide...

le 26 juil. 2013

34 j'aime

Du même critique

Gravity
real_folk_blues
5

2013 L'odysée de l'espèce di counasse...

Évidemment, un pauvre connard cynique comme moi ne pouvait pas ne pas trouver son mot à redire. Évidemment, si je devais me faire une idée de la qualité du truc au buzz qu’il suscite, deux options...

le 28 oct. 2013

283 j'aime

121

Divergente
real_folk_blues
1

Dix verges hantent ces lignes...

Ça fait un moment que j’ai pas ouvert ma gueule par ici. J’aurais pu faire un come back de poète en disant de bien belles choses sur Moonrise Kingdom, vu récemment ; mais non. Fallait que ça...

le 15 avr. 2014

271 j'aime

92

Upside Down
real_folk_blues
2

De quoi se retourner dans sa tombe...

J’ai trouvé une formule tirée de ce film à la rigueur scientifique inégalable : Bouillie numérique + histoire d’amour = Twilight. Je soustrait les poils de Taylor Lautner et je rajoute des abeilles...

le 30 avr. 2013

243 j'aime

39