Sur le papier, on ne peut pas dire que tous les astres étaient alignés lorsque j'ai été voir ce film : rentré d'une soirée un peu-beaucoup-passionnément arrosée vers 4h du matin, dans une salle COMPLETEMENT REMPLIE qui me laisse un siège complètement à droite, à la sixième rangée, pour un film de 3 heures en allemand, ça laissait peu de place au doute, j'allais m'endormir au bout d'une heure, me réveiller une demi-heure avant la fin, revenir chez moi, mettre une pizza surgelée au four, m'endormir et oublier ce film.


Et pourtant...


Never Look Away a su complètement m'emporter et me faire oublier tout ça. Son rythme, ses acteurs, sa musique, sur tous les points ce film est maitrisé.


Déjà sur la forme, c'est absolument magnifique. La photographie est superbe, la mise en scène n'est pas tape-à-l'oeil mais regorge tout de même de plusieurs plans absolument fous, et la musique puissante accompagne de manière remarquable certains moments.


Je pense directement à la scène de la fin de la guerre qui propose un plan alterné mêlant chambres à gaz, militaires morts au combat, petite chambre familiale détruite par une bombe...


Les acteurs également proposent quelques très belles interprétations, notamment Tom Schilling que j'avais découvert dans une adaptation moisie des Particules Elémentaires. Le film met en valeur aussi les actrices brillantes qui rayonnent, émeuvent et dont on ne peut que tomber amoureux. Ha oui, et le film met aussi en valeur beaucoup de nudité, et la nudité, c'est joli.


Petite inquiétude rapidement disparue : la longueur du film. Pour schématiser, le film retrace environ 30 années de vie du jeune Kurt Barnert et se divise en trois grosses époques : la jeunesse durant la seconde guerre mondiale - le début de ses études en RDA - la fin de ses études en RFA.
Les trois heures passent assez rapidement, je n'ai pas ressenti de gros moment d'ennui. Disons simplement un troisième quart un peu plus mou (mais nécessaire à l'histoire et au propos du film). Pour le reste, Never Look Away parvient à nous entraîner impeccablement, sachant mêler certaines scènes de tension ou de drame à quelques séquences plus drôles et légères. Mais jamais le film ne fait de concessions : lorsqu'il souhaite prendre son temps, il le fait, en témoignent les nombreuses scènes de peinture que j'ai adorées. Un beau moyen de suivre le processus de réalisation d'une toile pour les amateurs de peinture comme moi.
Finalement, on en ressort en ayant l'impression d'avoir suivi la vie des personnages et leurs évolutions.


Ce film est un petit bijou qui parvient à parler de l'art (son sens, son importance et la façon de le réinventer constamment), de l'histoire et de la situation de cette Allemagne post-WWII que tout divise.


Il n'est pas parfait non plus : le personnage d'Ellie n'est pas exploité à sa juste valeur et certains moments sont peut-être un peu trop longs. Mais il en demeure un excellent film, original, beau et une ode à l'art.


Je le recommande donc à tout cinéphile non effrayé par la perspective de bouffer de la langue de Goethe pendant trois heures.


Ha oui, et la pizza au four était bonne.

DiegoCuesta
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le 10 févr. 2019

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Diego Cuesta

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