Tapis dans l’ombre de l’inquiétante prise de pouvoir d’Hitler, ce film raconte bien comme l’occident a décidé de fermer les yeux sur le drame absolu de l’Holodomor (entre 3 et 5 millions de morts en 2 ans). Ce fait historique reste méconnu et l’initiative d’Agnieszka Holland de le mettre en image est bienvenue. Le choix de l’angle journalistique / lanceur d’alerte n’est pas forcément l’angle le plus évident : c’est avec le regard d’un journaliste occidental que l’horreur se révèle à nous, avec toute sa brutalité, sans fausse pudeur et en n’occultant pas ce que la faim peut faire sur la folie des hommes. Les scènes sont dures, insoutenables. Le décalage entre le faste Moscovite et la détresse ukrainienne est d'autant plus dérangeante.
On regrettera néanmoins que L’Ombre de Staline fasse la part belle à la vie du culotté Gareth Jones plutôt qu’à la genèse de l’Holodomor. Certes le chemin a été semé d’embuches pour M. Jones, la recherche de vérités dérangeantes ne se fait pas sans sacrifices. Mais on peut regretter que le passage en Ukraine ne soit pas davantage développé. A contrario la relation avec Georges Orwell est floue et assez incompréhensible.
Quelques choix scénaristiques difficiles à comprendre, frustrants, mais un sujet passionnant qui montre que l’abomination n’a pas de limites. Fermer les yeux est toujours le choix de la facilité. Cela montre aussi l’importance d’une presse indépendante, opiniâtre, qui n’accepte pas les vérités superficielles des bienpensants (cf. Duranty)… loin des analyses BFM donc.