Le jour où Michael Caine faillit gagner la guerre à lui tout seul

Commençons par un petit coup de gueule : le titre original est « The Eagle has landed », que l'on pourrait traduire par : L'Aigle a touché terre. Pourquoi diantre avoir choisi de traduire ce titre par un autre, au sens exactement inverse ?

Bon, mis à part cela, très bon film.

Pourtant, le pari était risqué : adapter un roman de Jack Higgins mettant en scène une opération commando nazie ayant pour but la capture de Winston Churchill, en se plaçant du point de vue des allemands, n'était pas chose aisée. Ajoutons à cela que le réalisateur, John Sturges (ayant à son actif l'excellent « Les Sept mercenaires ») s'est désintéressé du film une fois le tournage achevé, ayant accepté la commande uniquement pour avoir de quoi aller ensuite à la pêche si l'on en croit Michael Caine.
Bref, c'était mal parti.

Malgré tout cela, malgré une introduction un peu trop longue et une réalisation un peu trop télévisuelle, la sauce prend, et l'on se surprend à souhaiter que l'opération fonctionne. Si l'on peut regretter l'absence de scènes d'action dans la première partie du film, l'impressionnante bataille de la seconde vient largement combler cette frustration.

Il faut surtout saluer le casting. Les comédiens donnent tous le meilleur d'eux-mêmes et réussissent à composer des personnages intéressants et crédibles, à commencer par celui de Michael Caine, le colonel Kurt Steiner. Celui-ci est un vrai héros de guerre, officier sérieux, loyal serviteur de son pays en dépit de son mépris des normes racialistes du IIIe Reich, soldat redoutable, forçant le respect de ses ennemis par ses compétences militaires et son sens de l'honneur, agrémenté d'une pointe d'humour pince-sans-rire. Sans être absolument original, c'est un personnage très attachant.

C'est cependant Liam Devlin (Donald Sutherland) qui emporte la palme. Son personnage, truculent à souhait, est un régal à suivre dans tous ses faits et gestes. C'est un homme roublard, aimant son confort, sans illusions quant à la victoire de l'Allemagne, cynique, mais courageux, honorable (il rejoint volontairement les parachutistes coincés dans l'église, prenant ainsi des risques supplémentaires alors qu'il aurait pu s'enfuir) et aux multiples talents. Ses motivations (nationaliste irlandais, il déteste l'impérialisme britannique et s'est allié au IIIe Reich pour le combattre), doublées au sens de l'honneur de Steiner, contribuent à faire prendre conscience au spectateur que des gens de bien peuvent, pour de bonnes motivations, servir de mauvaises causes (ce que nous avons tendance à oublier huit décennies après la seconde guerre mondiale). Les deux personnages forment d'ailleurs un duo savoureux, avec quelques répliques mémorables (« M. Devlin, vous êtes un homme extraordinaire », « Colonel Steiner, vous êtes un fin connaisseur »).

Il est un peu dommage que les autres personnages n'aient pas toujours été si bien fouillés. Si ceux du colonel Radl (Robert Duvall) et de Himmler (inquiétant Donald Pleasance, véritable antagoniste du film) sont très correctement brossés, les hommes de Steiner le sont moins, à l'exception de son second (et encore) ; il en va de même de Johanna Grey, espionne au service de l'Allemagne (il faut regarder la version étendue pour savoir qu'elle est d'origine boer et a perdu sa famille dans les camps de concentration britanniques) ou du capitaine Clark. Cela dit, étant donné le bazar que fut la réalisation du film et le fait qu'ils soient secondaires, ce sont des défauts tout à fait tolérables.

Au final, un très bon film de guerre/de commando, digne successeur des Canons de Navarone ou de Quand les aigles attaquent, avec nombre de qualités propres (le point de vue ennemi, un twist final inattendu et de très bons personnages, comme on l'a dit) surpassant largement ses quelques faiblesses. Les fans de la Seconde guerre mondiale y trouveront un excellent film, les autres, un divertissement à l'ancienne de très bonne facture.

CréatureOnirique
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Créée

le 1 sept. 2023

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