Tendre la main à son prochain, ça fait du bien

Après la déception Grave, puis avoir moyennement apprécié The Lost City of Z, place à L'autre côté de l'espoir. C'est l'outsider, celui dont je n'avais pas vraiment d'attentes, contrairement aux deux autres sorties de ce mercredi. Il s'agit de mon premier film d'Aki Kaurimaki, un réalisateur qui ne m'avait pas intéressé jusqu'à présent. Cette lacune cinématographique est en passe d'être réglée, vu mon enthousiasme en sortant de la séance.


Un homme quitte sa femme, pendant qu'un autre sort d'un tas de charbons. Ils vont se croiser, se toiser et repartir chacun de leurs côtés. Ces scènes se déroulent sans un mot, tout se joue dans le regard, les détails et les plans. Cela ressemble à du cinéma muet, avant que les mots ne se fassent entendre. C'est un peu déconcertant, on ne sait pas vraiment où cela va nous mener, mais il y a quelque chose de fascinant dans les visages de ces personnages. On se pose aussi des questions sur eux : qui sont-ils? D’où viennent-ils? Pourquoi font-ils ça et comment vont-ils se recroiser. Les réponses vont se faire connaitre sur un ton tragi-comique.


C'est du cinéma humain, démontrant par l'absurde, la stupidité de notre société se refermant sur elle-même en refusant de s'ouvrir à l'autre. Aki Kaurismaki prend parti en nous racontant le parcours d'un réfugié syrien fuyant Alep. Il s'empare d'un sujet d'actualité brûlant, en nous donnant son point de vue. Il le fait à travers deux hommes décidant de changer de vie. Khaled (Sherwan Haji) fuit la guerre et se retrouve un peu par hasard en Finlande. Wilkström (Sakari Kuosmanen) quitte sa femme, vend son affaire et achète une brasserie. C'est sur une tonalité différente qu'on va suivre leurs difficultés pour surmonter les obstacles. Le drame pour Khaled et la comédie pour Wilkström, avant que l'ensemble se transforme en une symphonie colorée.


La Finlande semble triste, comme sa bureaucratie. Les bâtiments sont aussi ternes que leurs vêtements. Leurs habitants rêvent d'une retraite au soleil, loin de la grisaille de leurs vies. Les réfugiés rêvent de liberté, de travail et de tranquillité. On leur a vanté l'ouverture d'esprit des pays nordiques, mais on ne la retrouve pas dans le cœur de tous. Ils apportent de la couleur et de la joie dans leurs bagages, dans un pays qui semble en avoir bien besoin, comme tout les pays d'Europe. Le trait est exagérément appuyé pour bien nous démontrer les atouts de la diversité dans nos sociétés. La brasserie est le lieu où ces deux mondes se rencontrent. Cette zone neutre prend de la couleur au contact de Khaled. Le hareng en conserve, devient un sushi. Certes, ce n'est pas parfait, mais l'intention est là, et le monde se porterait mieux si on tendait la main à son prochain, au lieu de lui tourner le dos.


Le film oscille entre le drame et le burlesque, en parlant d'une situation dramatique avec empathie et subtilité. Cela se passe en Finlande, mais l'histoire pourrait aussi bien se dérouler dans d'autres pays dont notre France, terre d'accueil, mais pas trop. Le message est clair : on doit ouvrir nos frontières et bras pour accueillir ces migrants fuyants la guerre, la misère et la mort. Nos dirigeants et leurs larbins ne pensent qu'à leurs intérêts communs; donc financiers; alors que nous; le peuple; on doit dépasser la peur qu'ils tentent de mettre dans nos esprits et prendre soin de tout le monde, sans faire de distinctions. Le discours d'Aki Kaurismaki me parle et c'est un plaisir de découvrir un auteur avec une conscience sociale.


C'est la belle surprise de la semaine, le film qui met du baume au cœur et le sourire aux lèvres. On peut s'amuser de tout, même d'un sujet aussi grave, tant que cela se fait avec talent et humanité.

easy2fly
7
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le 20 mars 2017

Critique lue 410 fois

3 j'aime

Laurent Doe

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