Le film est assez lent, et reprend les éléments de l'unviers de Kaurismaki : sa troupe d'acteurs à trogne, ces musiciens qui jouent du rock de papy en Finlandais, ces vieux réveils/postes à galène des années 1970, cet univers de restaurant étriqué comme dans Au loin s'en vont les nuages, ce propos social alternant murs de briques, magnifiques plans portuaires inondés de lumière du Nord, intérieurs déco à la Hopper.
Mais le propos, c'est un jeune migrant qui arrive en Finlande caché dans une soute à charbon, qui attend qu'on statue sur son sort dans un centre d'accueil,
puis qui fuit pour ne pas être reconduit et qui devient clandestin, en travaillant chez un patron de restaurant qui cache derrière son côté monolithique un coeur d'or. Et à la fin, on retrouve la soeur de Khaled, qui était perdue. Mais il meurt poignardé par un néonazi minable. Dernier plan très beau où Khaled agonise, souriant, en regardant le beau paysage portuaire.
On peut avoir l'impression que Kaurismaki tourne un peu en rond, mais personnellement je revisite avec plaisir cet univers à part, qui cache sous son aspect un peu étriqué un propos social fort, une violence sèche, un humour à froid auquel je suis très sensible.
Le seul problème, c'est que le propos sur les migrants s'articule mal avec ces caractéristiques. C'est un peu comme si on passait d'une scène à l'autre de Welcome à une comédie musicale : les aspects typiques de Kaurismaki semblent un peu artificiels, ou du moins introduisent une forme de distanciation, qui fonctionnent, mais qui aurait peut-être nécessité un peu plus d'audace. Le dénouement fait un peu douche froide.
Enormément de bonnes blagues sur le fonctionnement d'un restaurant.
La question des réfugiés est traitée de manière inégale : le début de l'histoire de Khaled montre avec finesse le quotidien répétitif et frustrant des centres d'accueil. Dommage que l'hostilité à laquelle ils sont confrontés soit traitée de manière aussi binaire, avec ces personnages de néonazis réduit à une pure fonction narrative.
C'est en tout cas ce à quoi je m'attendais : un beau film, tant sur l'esthétique que sur le propos. Je vous encourage à le voir, vraiment.
Vu aux monteurs d'images à Agen.