à l'instar du "Dune" de Jodorowsky, il y a des films qui méritent de rester à l'état de fantasme, de rêve fou dans l'esprit de leurs créateurs. Des projets avortés qui bénéficient avec le temps d'une légende de films maudits dans l'imaginaire des cinéphiles, prompts à en rêver chaque séquence d'après le peu d'éléments filtrés au cours des années.
Je préfère mille fois la légende du Don Quichotte de Gilliam à cette horrible fable boursouflée et laide à vomir qui vient de sortir, qui plus est présentée à Cannes... aïe, c'est pas glorieux. Bien sûr, j'étais impatient de le voir, bien sûr je suis tombé dans le panneau, j'ai voulu y croire, "Lost in la Mancha" avait été un choc pour moi! Mais quelle douloureuse déception! L'écriture est si grossière : situations attendues, personnages clichés, enchaînements des séquences mal amenés, lourdeur des passages entre fantasme et réalité... et que c'est long, que l'on a le temps de s'ennuyer, de regretter la période faste du cinéma de Gilliam, son art de conteur fou mis à profit dans "Brazil", "L'armée des 12 singes", "Las Vegas Parano" et les films des Monty Pythons...
Soit Gilliam à très mal vieilli, soit il a fait exprès de transformer son "rêve" en "cauchemar" pour montrer à tous ce qu'une gestation créative de 30 ans peut engendrer comme monstre! Je repense aux séquences du film avec la femme nymphomane du producteur... la romance avec une fille de 15 ans... les romanichels... les clichés sur l'Espagne... les terroristes barbus... et ce méchant russe, roi de la vodka... nan mais qu'est-ce que l'on voit? qu'est-ce que l'on entend? C'est tellement gênant! Toutes ces blagues nazes, tout ce second, troisième ou millième degré qui ne passe pas... on croirait un film réalisé par ce vieil oncle raciste, réactionnaire et embarrassant que l'on déteste écouter à chaque dîner de Noël en famille... qui nous fait regretter de l'avoir aimé un jour ou de si bien le connaitre!
Terry Gilliam a déconné. Comme d'hab me direz vous, c'est un cinéaste que l'on aime voir déconner à plein régime, se laisser aller à sa folle rêverie... mais alors, peut-être a-t-il définitivement perdu la main. Je suis ressorti de la médusé, dégouté... seule la performance d'Adam Driver relève un peu le niveau, il semble être le seul à y croire. Toute la mise en scène n'est faite que de clins d'oeil à ce qui fait le style Gilliam façon Happy Meal (plans désaxés, décadrés à l'extrême, grands angles, séquences de carnavals cauchemardesques...) et certes le message introspectif, la mise en abime du protagoniste de metteur en scène fou qui refait son film fou qui renvoie avec de gros sabots à l'expérience de Gilliam sur ce film fou qui n'aurait jamais dû se faire est intéressant, mais va bien 2 minutes ! (De même pour le rapprochement Gilliam / Don Quichotte) Tout le reste est à oublier d'urgence! Quel gâchis de temps, d'argent et d'imagination...
Je lui en veux beaucoup de nous avoir brisé le rêve ET la légende du grand film maudit, Don Quichotte par Terry Gilliam. Amertume...