"Avant, je n'avais aucune raison d'aller dans le Montana."

Pour tout vous dire, j'aime que les choses soient ordonnées, bien carrées, "J'aime que tout brille et soit bien rangé" comme le dit si bien Desproges dans le sketch le Maniaque. Oui ! Je l'avoue, je le confesse, "je n'apprécie rien tant que cet instant trop éphémère hélas où ma montre à quartz indique onze heures onze". C'est pourquoi, dans ce besoin viscéral d'ordre, j'ai pris la décision de commencer la filmographie de Terrence Malick par son premier film, La balade sauvage, de sorte que tout commence logiquement, dans l'ordre.


Une ville paumée des Etats-Unis comme il en existe tant. Deux jeunes, l'un patibulaire dans son accoutrement de jeans et ses 'tiags façon cuir de vachette, l'autre, jeune fille, petite mignonnette avec de grands yeux de faons masqués par de longs cheveux soyeux. Tout s'enchaîne alors doucement, sans rapidité mais avec une fatalité perceptible dès le départ ; on sait que ça va mal tourner, qu'il n'a pas le droit social d'aimer cette fille bien qu'il le veuille de toute son âme. L'histoire d'amour s'entremêle de faits divers morbides. La lenteur des plans et de la narration contraste avec la volonté de vivre vite, trop vite de Kit (qui nous est offert par un Martin Sheen ahurissant). Alors, incapable de trouver la satisfaction dans une vie de cavale bucolique, on visite une luxueuse villa, en effleurant tout ce qui passe sous la paume pour tenter de s'approprier la vie des autres à défaut de la sienne, espérant toucher, goûter l'essence de la vie tant rêvée.


Mais un jour, l'entrain n'est plus là, l'engouement de l'amourette n'efface plus les cadavres qui s'amoncellent au bord de la traversée macabre de Kit et Holly. S'ensuit la recherche, le questionnement existentiel ponctué par trois tirs de carabine et une course poursuite qui s'arrête de par la volonté du poursuivi, qui, jusqu'au bout, veut choisir et décider de son existence, ou à tout le moins avoir l'illusion de faire ce choix.


Ce qui transcende le film est d'abord philosophique. Les références sont nombreuses, allant de la quête existentielle à l'inéluctabilité du déterminisme, et rien d'étonnant pour quelqu'un comme Malick qui n'a pas présenté la thèse de son doctorat à Oxford sur la notion de monde chez Kierkegaard pour s'être pris le nez avec son directeur de thèse (Gilbert Ryle, excusez du peu). Mais ce qui est fascinant également, c'est la capacité poétique presque infinie de l'oeuvre : certains plans laissent sans voix (le plan de fin sur les nuages), tandis que d'autres se voient insuffler une poésie insoupçonnable (un des derniers plans sur les trains d'atterrissage de l'avion est beau quoi !).


Cette première expérience du cinéma de Malick me donne envie de croquer sa filmographie rapidement, sans attendre, comme la belle Sissy Spacek et l'envoûtant Martin Sheen veulent croquer la vie, un duo qui n'est d'ailleurs pas sans rappeler celui du Bonnie and Clyde d'Arthur Penn.


Quant à moi, je m'en retourne à mon ordonnancement méthodique, à mon rangement névrosé. Ah oui ! J'ai oublié de le dire, mais en plus, "je suis un gaucher contrariant, oui, c'est plus fort que moi, j'emmerde les droitiers !"


Un petit cadeau, comme ça, juste pour le plaisir : https://www.youtube.com/watch?v=j2xfWlpeSwY

Xavier_Petit
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le 5 août 2015

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Xavier Petit

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