Un cimetière d'éléphant ça trompe énormément

Perdu au milieu des montagnes enneigées japonaises du XIXeme siècle, un village vit au rythme des saisons. Loin du trip écolo-idéaliste, la nature est ici sans pitié pour l'être humain. Sans cesse au bord de la famine, les conditions de vie sont rudes. Le travail et les saisons s'enchaînent dans un rythme lent et sans idéal mais dont la fin est inéluctable : la mort.


Les (très rares) personnes ayant atteint 70 ans doivent être portées en haut de la montagne, dans un cimetière à ciel ouvert ancestral où ils meurent en communion avec leur Dieu. Ainsi la raison meurt.


Est-ce la nature ou les croyances qui ont rendu ces gens fous ? C'est la question qui ne nous quitte pas, ni pendant, ni après le film. Les habitants de ce village, n'ayant absolument rien à envier à ceux de l'Overlock de Shining (en particulier le plan d'ouverture du film), sont possédés par leurs croyances obscures. La folie devient alors la norme, et les personnes quelque peu sensées nous semblent particulièrement en décalage.


Orin est en quelque sorte la gourou de cette communauté embrigadée depuis des siècles. Véritable fanatique prête à s'arracher les dents et à mourir pour son Dieu, elle ne pardonne pas les écarts d'humanité qui risqueraient de menacer les habitants de ce village sectaire.


Un père se voit ainsi, lui et sa famille, enterré vivant pour un vol de nourriture, alors que l'infanticide, le viol, la zoophilie, le trafic d'enfant, l'inceste et le parricide se pratiquent dans la connaissance générale et parfois dans le plus grand tabou.


La ballade de Narayama est un film d'horreur naturaliste comme on en fait peu. Pour Imamura, aucun besoin de rajouter un style tape à l'oeil. Les atrocités cohabitent ici parfaitement au quotidien, aux gestes ancestraux de la culture du riz et du travail ménagé. L'abomination est la norme.


Imamura a-t-il voulu montrer le noir visage de l'être humain ou au contraire mettre la lumière sur ses capacités d'adaptation au pire pour survivre ? Difficile à dire. Cependant, face aux atrocités, le relativisme culturel n'a pas sa place. Pour sa survie, cette communauté a embrassé sa tradition, sa religion et ses croyances barbares. Perdre son humanité semble être la seule échappatoire.


Le film se termine sur un nouvel hiver, succédant à celui du début. La boucle est bouclée. Le manège infernal est prêt pour un nouveau tour. Quand cela va-t-il s'arrêter ?

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le 2 févr. 2021

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