Ca commence par l'enterrement du pauvre femme. Sa seule famille c'est sa fille de 9 ans, nommée Addie. Sa seule amie c'est une voisine, enfin une amie, on devrait mieux parler de connaissance. Les mères célibataires restent assez mal vu dans l'Amérique rurale des années 30 et ne peuvent avoir d'amis. Et puis se pointe Moses, l'ancien compagnon de la défunte, une petite frappe qui sillonne l'Amérique émaillant son long voyage d'escroquerie pour gagner sa croute.
Qui va prendre en charge la jeune orpheline? L'escroc à la petite semelle, ou bien la gentille voisine puritaine. Personne n'en veux, mais la petite a parait-il une tante quelque part. Alors c'est décidé, Moses qui fait la route peut bien emmener cette gamine chez sa tante. Et c'est pas la peine de protester Moses, tu vas l'emmener on te dit. Un bon escroc sait tirer parti de toutes les mésaventures, au lieu de considérer cette enfant comme un poids mort Moses va en faire son associée. Et il ne faudra pas longtemps pour que l'élève dépasse le maitre.
La Barbe à Papa est un de ces films touchant dans lequel deux personnages atteint du terrible mal de la solitude unisse leur force pour affronter la vie. Ajoutez à ça une action qui prend place pendant la grande dépression et l'hommage à l'œuvre de Chaplin parait évident. En particulier en ce qui concerne Le Kid pour la relation adulte/enfant, mais cette relation peut aussi faire penser à celle des personnages des Temps Modernes ou des Lumières de la Ville.
Ce thème de la solitude est beaucoup plus marqué chez Addie. Certain diront qu'elle avait besoin d'un père, je dirais qu'elle avait simplement besoin de quelqu'un. Quoi qu'il en soit Addie voit dans Moses ce père qu'elle n'a jamais connu. Moses nie en bloc. Peut être qu'il n'accepte pas de voir la vérité, peut être qu'Addie prend ses rêves pour la réalité. Le fait que Ryan O'Neill partage l'affiche avec sa propre fille n'est pas un indice déterminent. Je pense qu'on peut laisser ça à l'appréciation du spectateur.
Peter Bogdanovitch joue avec brio sur tous les registres, alternant entre le comique de situation et la gravité de cette quête du père. Certes ce n'est pas hilarant, mais plutôt risible. Et on ne pleure pas à chaude larme quand Moses se montre parfois cruel avec Addie pour bien lui faire comprendre qu'il ne veut pas être son père. Parce que La Barbe à Papa est un film très sincère qui ne cherche pas à tromper le spectateur avec des émotions surfaites.
Un film sur une période très sombre de l'histoire des Etats-Unis où la débrouillardise était une condition à la survie, et qui arrive à point en 1973, pendant le premier choc pétrolier (dont on voit les prémices dès 1971) qui marque la fin des trente glorieuses. Produire un hommage au cinéma de Chaplin dans ce contexte parait très pertinent. Quand l'histoire et le cinéma ne font qu'un.