Nicolas Bedos n'aime pas notre époque, connectée, vapoteuse, sans odeurs, sans texture et son personnage principal incarné magnifiquement par Daniel Auteuil en est le double bougon. Le scénario imaginé simule de réinventer le cinéma, ses plateaux, ses artifices pour une plongée de simulacres dans le passé du héros. Or le cinéma c'est le contrat accepté entre le réalisateur et le spectateur de se laisser emporter par les choix du premier. Ici le dispositif devient un mélange de l'univers cinématographique : plateaux, éclairages, poursuites, acteurs et de cette interactivité tellement caractéristique de notre époque. Auteuil à la fois scénariste et acteur de son propre spectacle c'est retirer au cinéma son essence même. Ainsi en faisant mine de regretter une époque révolue Bedos se plonge sans restriction dans l'univers sans âme des start up qu'incarne un Guillaume Canet totalement pervers narcissique à la recherche d'une figure paternelle impossible. Sur la fin le film se double d'une inquiétante (étrangeté) mise en scène de la rencontre mi simulée mi réelle du couple Ardant - Auteuil sous les yeux de leur fils, étrange mise en abîme ou la pulsion scopique rejoint les traces de son origine.
Le thème central du couple vieillissant et du jeu des possibles est aussi celui de Chambre 212 de Christophe Honoré, mais sa proposition davantage axée sur les fantasmes de son héroïne et malgré un dispositif qui rejoint par certains côtés les artifices de la belle époque en fait une proposition beaucoup plus cinématographique.
Restent quelques beaux moments comme un autre possible, à travers les dessins, la rencontre entre Auteuil et le double de son épouse, car en fait Bedos reste d'un conservatisme confondant, laissant la belle Doria Tillier entre les mains sadiques de Canet, où quelque-chose de vraiment troublant aurait pu se passer entre elle et Auteuil, qui aurait par la même occasion abandonné la harpie qui lui tient lieu d'épouse.
Inachevé, bancal mais néanmoins intrigant.