Catherine Corsini n’a pas son pareil pour mettre en scène la passion, l’éveil du désir, les sentiments contradictoires qui affleurent et ses dommages collatéraux douloureux. Le troublant La Répétition ou le puissant Partir en sont de beaux exemples. Avec La Belle Saison, elle offre un mélodrame sensible et sensuel. Dans un style épuré, la réalisatrice ancre son récit dans un contexte historique fort, les débuts du Mouvement de Libération de la Femme, largement évoqué dans la première partie de son film (dont l’amusante reconstitution d’une réunion du MLF à la Sorbone). Il passe un peu au second plan dès que la romance entre les deux femmes commence, pour laisser la place à une autre réalité, celle d’un monde rural devant faire face à une mutation qu’il ne voit pas forcément venir. Mais ce qu’on trouve en permanence au cœur de la Belle Saison, c’est l’idée chez ces femmes d’une prise de conscience, plus ou moins précoce, plus ou moins aisée, de la nécessité de se faire entendre. Symbole de ce combat, ces deux personnages bien loin des archétypes et des caricatures, interprétées avec un naturel formidable par Cécile de France et la surprenante Izïa Higelin. Si elles incarnent une partie de la révolution sociétale de la France des années 70, elles sont surtout le moteur d’une émouvante histoire d’amour contrariée, passionnelle et faite de compromis, de frustrations. Les deux actrices forment un couple criant de vérité, appuyé par la prestation épatante de Noémie Lvovsky dans le rôle de la mère de Delphine. Malgré quelques longueurs, Corsini parvient à saisir cet équilibre fragile entre le besoin viscéral de vivre pleinement cette passion et la réalité sociale et familiale de chacune pour donner corps à cette histoire d’amour impossible, électrisante et lumineuse.