Entre la beauté et la laideur, il n'y a souvent qu'un point presque imperceptible.

J'ai vu ce "Belle et la Bête" à de nombreuses reprises au cours de ma vie (pas si longue mais ça commence à faire), à tous les âges et à chaque âge j'ai été séduite, pour différentes raisons, comme si le film se dévoilait peu à peu à mon esprit toujours changeant, comme s'il pouvait parler à tout un chacun quel que soit son âge ou son sexe.


Enfant (très jeune), j'ai vu un film qui manquait peut être de couleurs par rapport à mes livres mais dont les images étaient comme les dessins de mes livres. La jeune fille hésitant sur le pas de la porte, la main à peine levée, le regard intense; la Bête dans l'ombre, masse imposante et effrayante au costume riche et princier, les belles robes de la Belle, les décors vivants et un peu effrayants et l'histoire si émouvante de cette si belle jeune fille, parfaite et douce, qui tombe amoureuse d'un homme laid.


Plus grande, j'ai apprécié le noir et blanc, les ombres et les lumières subtiles et toujours les robes et Jean Marais qui était beau même si on ne voyait pas son visage.


Adolescente, même si les robes et les bijoux me plaisaient toujours, le sens a commencé à m'apparaitre moins simple et moins romantique, cette Bête si civilisée l'était beaucoup moins que dans mon souvenir. Le désir brulant dans les yeux de la Bête et l'inconfort de la Belle, je les comprenais autrement, prise que j'étais dans le bouillonnement de la puberté.
Les dialogues et les images étaient toujours plein de poésie et mais soudain, j'ai éprouvé le besoin de relire mon livre de contes et de comprendre mieux cette métaphore du désir humain. Cocteau avait bien caché son jeu, ai-je trouvé, car tout d'un coup je sentais l'ambiance presque malsaine de la maison du père de Belle, le côté refoulé du château endormi sous les lierres, des images moins innocentes et plus torturées.


Pleinement adulte, et sans qu'on ait besoin de me faire un dessin cette fois, mon appréciation pour ce film a atteint son paroxysme. J'aimais tout des dialogues un peu surannés, des images lumineuses et pourtant effrayantes, des acteurs parfaits, de cette étrange relation entre Belle et Avenant, vaurien séduisant et indigne de confiance, de la force de caractère de la Belle qui bien que douce et bonne n'en est pas devenue une carpette, de cette fin si équilibrée qui voit l'homme-bête prendre le visage de l'amour superficiel que représente Avenant et Avenant, beauté incarnée jusque dans son nom, devenir la Bête qu'il est certainement au fond de lui, j'ai aimé la façon dont Cocteau nous prend par la main, spectateurs adultes, et nous demande de lui faire confiance, que tout ira bien durant ce voyage si nous faisons confiance au poète.


Cocteau, en poète qu'il était, a caché des messages dans ses images, laissant à chacun le loisir de les trouver, des images qui résonnent comme des mots, choisis et équilibrés.
En tant que réalisateur, il fait preuve d'inventivité et les effets spéciaux pratiques gardent toute leur magie.
Jamais conte n'a pris vie avec autant de perfection (en ce qui me concerne).


Dire que j'aime ce film serait un euphémisme, il n'est pas au top du mon top 10 pour rien. J'ai vu ce "Belle et la Bête" à tous les âges et à chaque stade de ma vie j'y ai vu quelque chose de beau et de parfait.
Ce film a une âme et elle est belle comme celle de la Bête.

Créée

le 26 sept. 2017

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Anilegna

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