Un monument du cinéma qui s'illustre par sa poésie envoutante et le superbe de ses acteurs. Le grand Cocteau, en homme de lettres, a su lire et comprendre fondamentalement l’œuvre originale de La Belle et la Bête, avec le choix du double (le même acteur, un Jean Marais irremplaçable, qui interprète le bel Avenant qui attire La Belle et le repoussant La Bête qui la répugne) et la perte de l'un pour sauver l'autre au travers du miroir (la symbolique du double poussé à son apogée comme dans le roman original). Sans aucune conteste, l'adaptation la plus fidèle à l’œuvre littéraire (pas de vaisselle ni de mobilier qui chante, de statues géantes piétinant les humains ou autres fantaisies prises sur un livre déjà copieux en symbolique), Cocteau a su qu'il n'était pas nécessaire d'en rajouter pour que le résultat soit brillant. Chaque parole se boit lentement comme une liqueur savoureuse, le choix des mots est précieux et réfléchi, le débit reste langoureux, rien qu'avec les dialogues il y a là une œuvre sémiologique mémorable. Le visuel vient renforcer l'effet esthétique par son clair-obscur parfait, ses effets spéciaux "manuels" (les mains tenant les torches, les visages représentant les sculptures décoratives dont les yeux vous suivent...). Rien de tel que les trucages "artisanaux, à l'ancienne" pour que magie opère. Un chef-d’œuvre immortel et magnifique qui sait trouver le chemin des cœurs par ses dialogues poétiques, son récit fidèle à l'intellect du roman, et ses acteurs prodigieux.