Parce qu'il m'arrive rarement de mettre 1, même aux pires bouses françaises, et parce que j'appartiens tout de même à une minorité vu les notes, je me sens un peu obligé d'expliquer mon avis.

Je vais tout d'abord commencer par le fond du film, puis je passerai à la forme, généralement appréciée du film (de ce que j'ai lu à plusieurs endroits, pas qu'ici).

J'ai été assez agréablement surpris, et dans un sens soulagé, que Gans ne martyrise pas le conte original, même s'il se laisse quelques libertés mal senties. La trame est donc bonne mais il n'empêche que Gans en oublie de quoi il parle. Il n'y a aucune cohérence sentimentale envers les personnages, expliquée, entre autres, par un casting catastrophique.

En effet, la Belle, loin d'être une simple personne douce et attentionnée, se sacrifiant pour sauver son père, elle apparait à l'écran comme une gamine insupportable en mal de reconnaissance. Qu'on se le dise, j'adore Léa Sédoux, mais elle a un caractère trop fort pour rentrer dans un rôle si délicat, méritant de la compassion. Seconde erreur sur Léa Sédoux, c'est le timing. Comment voulez-vous voir en elle la Belle, jeune femme juvénile et vierge, alors qu'elle sort d'un film où elle a les cheveux bleus et se faire brouter un gazon maudit pendant des scènes de 10 minutes ? D'accord, le propre d'un acteur est savoir jouer tous les registres et passer d'un personnage à un autre, m'enfin, soyons logique. Surtout que les seins de Léa Sédoux sont plus que présents à la caméra, sortant du corset comme pour participer également à la fête.
Personne dans le film n'a un rôle qui colle à ce qu'il devrait être. La psychologie des personnages (car pour rappel, à la base un conte, il y a une morale, toussa, toussa. Bettelheim si tu m'entends, ne va pas voir le film, je pense que tu serais déçu) est juste absente du film. Nada.

Je continue rapidement sur le casting, Vincent Cassel est le seul élément qui permet de sauver le tout. La prestance de sa voix et de sa gestuelle, sous son masque numérique sont néanmoins ressenties. Ce sont même les passages dans le passé qui sont les mieux réussis dans le film. Pour ce qui est des deux soeurs insupportables, elles jouent comme dans une sitcom française, et l'autre méchant espagnol doublé au marteau piqueur avec un accent de vieux bourgeois alors qu'il est sensé tenir un rôle de voleur, n’en parlons pas.

Gans annonce sans sourciller faire des références au maître de l'animation japonaise, Miyazaki. Alors si c'est pour pomper des thèmes chers au vieux monsieur, tel que l'âme des forêts (Princesse Mononoké, Totoro dans un sens et autres références plus menus dans ses films), oui peut être, mais rien n'est repris de l'ambiance magique. Et cela est en grande partie due à la surabondance du numérique.


Parlons donc maintenant de la forme du film. On retrouve une esthétique du Labyrinthe de Pan, couplée à des décors de la Renaissance qui tirent à mon goût plus du coté baroque (certes, c'est la porte à coté en histoire, mais ce n'est pas une raison pour faire des approximations).
Monsieur Gans, le fantastique, encore plus en matière de contes, ne nait pas dans la sur-abondance de détails visuels. C'est même tout l'inverse. A ce jeu d'ajouts intempestifs de détails vous mâchez toute imagination possible chez les enfants, entre autres. C'est pourquoi, quand certains parlent d'américanisation du film, je trouve le terme parfaitement justifié.

En ce qui concerne le numérique, si quelques plans sont à la limite d'être beaux, l'ensemble est clairement grotesque. La source enchantée avec ses petites boules jaunes ressemblent à certains économiseurs d’écrans et je ne parle d'un plan vers la fin, de quelques secondes, d’une goute qui tombe sur la surface lisse d’un plan d’eau. Là, c'est clairement un amour déclaré à l'écran de veille.

Pour faire craquer les bambins et jeunes filles, Gans n'hésite pas à mettre en oeuvre une technique de basse catégorie. Des petits animaux avec des yeux gigantesques. En plus ils sont sous utilisés. Il faut assumer jusqu’au bout.

Dernier point point sur l'esthétique, les (trop) nombreux ralentis pendant les scènes d'actions. Se sont-ils posés un instant la question, « Quel est le but de ses ralentis, à part faire joli ? » ?

Enfin pour citer Lt-Schaffer qui a eu quelques bonnes remarques, l'ouverture sur les pages d’un livre + voix, ça fait un peu kitsch et dépassé. Les quelques incohérences historiques (drapeau français, et pistolet à poudre qui tirent plusieurs coups) n'aident pas vraiment à être compatissant avec l'ensemble.


Il s'agissait donc plus d'un coup de gueule à la vue d'un cinéma français qui perd de son authenticité pour faire de l’action, du grandiose, de la surenchère numérique. Le numérique, ce n’est pas un jouet, bande de gosses.
Rumol
1
Écrit par

Créée

le 24 févr. 2014

Critique lue 208 fois

Rumol

Écrit par

Critique lue 208 fois

D'autres avis sur La Belle et la Bête

La Belle et la Bête
Krokodebil
6

La Belle et ses boobs.

Pardonnez-moi ce titre franchouillard, mais ce film est quand même un festival de nibards. Ceux de Léa Seydoux, parente du tout puissant Jerôme Seydoux qui coproduit et distribue ce luxueux film...

le 22 févr. 2014

67 j'aime

9

La Belle et la Bête
Tanja
6

Très beau mais...

Visuellement ce film est magnifique. Je suis totalement cliente de cette débauche de détails, de décors féeriques et de costumes ostentatoires. Rarement on a vu un film français aussi fouillé. Le...

le 12 févr. 2014

53 j'aime

7

La Belle et la Bête
Kalimera
5

Un film pour un autre

Ce matin comme tout les mardis matin, j'ai sacrifié au petit rituel qui me permet de voir mes parents et prendre de leurs nouvelles autour d'un petit café. C'est salvateur ! Moins de conflits, de...

le 25 févr. 2014

49 j'aime

12

Du même critique

Marat / Sade
Rumol
8

Critique de Marat / Sade par Rumol

Oubliez les titres nébuleux qui sont parfois des énigmes jusqu'à la fin du film. Tout le concept est dans le titre, du moins dans sa version longue : « La Persécution et l'Assassinat de Jean-Paul...

le 9 févr. 2015

5 j'aime

Malika ou un jour comme tous les autres
Rumol
6

J'aime autant que je n'aime pas

On ne peut décemment pas parler de Malika, sans commencer par présenter son auteur, tant les deux son liées. Valérie Valère est née en 1961 à Paris. Au milieu des années 70, à environ 13 ans, elle...

le 23 sept. 2014

4 j'aime

Le Bruit des glaçons
Rumol
6

Critique de Le Bruit des glaçons par Rumol

Voilà dans l'ensemble un bon film français. Le scénar, les dialogues sont assez originaux mais tendent parfois à être lourds. La réalisation est assez banale, quelques idées par-ci par-là. Le film...

le 7 févr. 2012

3 j'aime