Regarder "La Belle et la Bête" de Christophe Gans, c'est un peu comme feuilleter un beau livre d'images. On en prend plein les yeux sur le moment, mais ces images magnifiques n'étant pas adossées à un fond percutant, elles glissent sur nous comme du vent. Et pour tuer dans l’œuf toute comparaison avec le chef-d’œuvre de Cocteau, qui de toute façon n'a pas du tout lieu d'être tant les deux versions sont différentes (même s'il m'a hanté durant toute la projection), je dirais simplement que celle-ci est plus "colorée".
En fait, on comprend bien dans cette version de Christophe Gans, la volonté de se rapprocher à nouveau de la notion de "conte pour enfant". Le château par exemple, bien qu'à l'abandon, est lumineux et plein de la vie amenée par une invasion de roses et de fleurs en tout genre. Les lieux sont hantés par de gentils petits Beagles transformés en PetShops ambulants et les personnages eux-même sont aseptisés, quitte à prendre des libertés avec le conte originel.
Pas de rédemption pour la Bête entre autres, traditionnellement puni pour sa vanité et sa superficialité. Là, son seul tord aura été un acharnement aveugle à vouloir tuer une biche dorée (la muse de la forêt !), rompant ainsi une promesse faite à sa femme. On ne retrouve pas non plus son amour pour Belle. Tout ce que l'on nous donne à voir, c'est un animal esseulé subjugué par la beauté et prêt à tout pour se l'accaparer. Sans même découvrir des qualités morales à la Belle ni partager de moments de complicité avec elle, il décrète qu'il l'aime et l'on veut nous faire croire cela. Belle de son côté, succombe au moment où, tellement répugnée par la Bête, elle décide de fuit le château. Cela va totalement à l'encontre de l'enseignement moral auquel on m'avait habituée...
Autre chose, qui m'a encore une fois donné l'impression de ne pas du tout me trouver face au conte de "La Belle et la Bête", c'est le refus de Christophe Gans de tout mystère. De par le château encore une fois, tout sauf effrayant, mais aussi de par son choix de montrer à l'écran la vie passée de la Bête dans ses moindres détails, ainsi que les raisons de son maléfice. C'est dommage car c'est justement sur cette énigme que la Bête trouvait de l'intérêt aux yeux de Belle, qui se demandait alors comment un homme entouré de tant de merveilles et de passions (les livres, la danse) avait pu connaître un destin si tragique. Et puis, surtout, ça laisse le spectateur complètement passif. On ne s'apparente pas à Belle en essayant de sonder le cœur de son hôte, on ne ressent pas sa peur mêlée de désir face à lui et par dessus tout, on ne trouve aucun intérêt à cette Bête rustre, insensible et sans aucune nuance. Il est bien loin le temps des "Y a quelque chose, dans son regard..." et des émois érotiques provoqués par la Belle abreuvant la Bête...
Et là, je me demande tout comme vous, ce qui justifie ma note et mon impression plutôt positive tout de même quant au film. Pourtant, je ne peux pas le nier, je suis sortie du cinéma avec un sourire sur les lèvres et de belles images plein la tête.
En fait, je crois que j'ai simplement accepté l'idée de regarder un film (presque un anime) qui n'est pas la "Belle et le Bête, et dont la seule intention est de coller au plus près du magique et du merveilleux propre aux contes. Dès les premières minutes, j'ai été complètement captivée par ces images incroyables et sur-esthétisées de trésors qui sombrent au fond des océans, de naufrage, de tavernes crasseuses et de maisonnette isolée dans la campagne au charme vintage. J'ai adoré également déambuler dans ce château aux nombreuses passerelles, habité par des esprits lumineux comme des lucioles et envahi de roses sacrées, omniprésentes, gardées par des géants de pierre.
La version livrée par Christophe Gans n'a pas la prétention de réécrire l'histoire légendaire de la belle qui parvient à sauver la bête en lisant dans son cœur, et l'aimant pour ses qualités intrinsèques. C'est juste un film spectaculaire, un film pour enfants qui donne à voir des visions fantastiques et féeriques, de celles qu'on se figurait lorsqu'on nous racontait encore cette histoire le soir avant de s'endormir; et dont il ne faut pas trop chercher à gratter la mince couche de vernis, au risque de se retrouver face à un vide incommensurable.