Premier des Six Contes Moraux de Rohmer, La Boualngère de Monceau sert à donner le squelette de ce que seront les 5 autres films, dont le magique Ma Nuit chez Maud.

Le personnage principal, un étudiant sans nom, va bientôt passer son examen oral pour ses études de droit. C'est l'été à Paris et il révise assidument. Il croise, quasiment tous les jours, une belle jeune femme blonde, sophistiquée, qui s'appelle Sylvie. Bien que pressé par son ami, Schmidt, d'aller lui parler, il n'ose l'aborder, se caractérisant ainsi comme particulièrement timide. Finalement, le hasard permet leur rencontre, mais Sylvie disparait dès le lendemain. Le narrateur va alors passer tout son temps libre à la chercher, dans les rues du quartier Monceau. Il va, par habitude, manger fréquemment dans une boulangerie où Jacqueline, la jeune boulangère de 18 printemps, semble tomber sous son charme.
Cherchant à remplacer Sylvie, ou du moins à s'occuper en son absence, l'étudiant va alors se servir de Jacqueline comme d'une doublure. Il la sacrifie pour son égo. Jugeant, en effet, qu'il est tout à fait normal qu'elle succombe à ses avances. Il ne l'aime pas, la jugeant trop différente de lui, pas assez bien à son goût. Mais il veut se faire la main. Il l'invite, quand bien que mal, dans une scène sortie tout droit d'un film sur le viol, à un rendez-vous, qu'elle accepte le lendemain, avec un regard malicieux, laissant juger sa joie.
Mais l'étudiant ne viendra pas, il a retrouvé Sylvie, les deux dinent ensemble, et 6 mois plus tard, ils sont mariés.

Ce film est un message d'amour sur le Paris des étudiants en 1961. Si, sur certains points, le film n'a pas vieilli, il apparaît difficile, à d'autres moments, de sentir un écho de cette ambiance, vieille d'un demi-siècle. On sent cependant qu'en ayant le double de l'âge de ses protagonistes, Eric Rohmer n'en était pas moins parfaitement connecté.
On verra dans ce film un message à la fois sur l'amour, mais surtout sur la réalisation du héro, le narrateur. Passant d'un pauvre jeune homme timide, incapable d'aborder une femme, à un homme du droit (avocat, procureur ?) qui force la main à une fille pour ensuite mieux la délaisser et en inviter une autre. En sommes, le film, c'est les classes du narrateur. C'est sa prise de confiance, sur le sacrifice de cette pauvre Jacqueline. Et c'est regrettable.
Car, la morale du personnage est de dire que ce n'est pas bien grave, que l'abandonner, cette Jacqueline, sans un mot, sans rien, sans venir au rendez-vous, c'est moral, car au moins il ne se ment plus, il ne lui ment plus. Certes, il y a la sauvegarde du mensonge, enfin. Mais plutôt que de dire la vérité pour autant, il la cache. La moralité du personnage est clairement totalement absente c'est bien la chose la plus évidente du film. Et pourtant, Rohmer le dit et répète, c'est un film moral.

A côté de ça, le film peint, relativement, l'ambiance de 1962. Ce qui est assez bien montré, mais aurait pu être plus personnifié encore. Le quartier n'est pas assez auto-suffisant malheureusement. Le travail sur l'image est plutôt bon, notamment toutes les variations effectuées par Rohmer dans la boulangerie, où les mêmes scènes, sont à chaque fois, légèrement modifié dans le cadrage, montrant l'évolution des rapports.
Pour le son, on regrettera le début, où les voix sont bien mauvaises par rapport à celle du narrateur, les techniques d'enregistrements ne semblant pas au point et surtout, pas réalisées dans les mêmes conditions que le reste du court-métrage.
Les acteurs sont plutôt plaisants, spécialement Claudine Soubrier, magnifique petite boulangère.

Ce film est pas mal, c'est le début des contes moraux, c'est un format court, que Rohmer maîtrise mais qui, par son format même, manque de profondeur. C'est une esquisse de l'avenir avant tout.
C'est un film avec quelques thématiques sympas, mais qui auraient gagnées à être plus exploitées, plus recherchées, d'avantage creusées.
C'est donc, certes, plaisant, et surtout court, offrant ainsi un rapport quantité/qualité, plutôt efficace, mais, heureusement, Rohmer a offert mieux au monde du cinéma.
mavhoc
5
Écrit par

Créée

le 21 août 2014

Critique lue 779 fois

3 j'aime

mavhoc

Écrit par

Critique lue 779 fois

3

D'autres avis sur La Boulangère de Monceau

La Boulangère de Monceau
EricDebarnot
7

Une grâce croissante

En 22 minutes d'une grâce croissante, Rohmer, alors débutant, déploie les prémisses de son futur cinéma : amour de la rue parisienne, trajectoires physiques et stratégies amoureuses, sensualité des...

le 10 juil. 2016

10 j'aime

3

La Boulangère de Monceau
Yoshii
8

Coup de maître

Tout l’univers de Rohmer est posé dans ce court-métrage d’introduction à la série des contes moraux. 23 Minutes d’une intensité incroyable, dans lesquelles le réalisateur réussit le tour de force de...

le 2 déc. 2017

8 j'aime

4

La Boulangère de Monceau
bobylapinte
7

Critique de La Boulangère de Monceau par bobylapinte

Allez go! C'est l'été, les jupes sont courtes, les décolletés plongent et on va tous courir dans la salle miteuse-qui-sent-le cheveux-gras de cinéma de quartier voir les films de Rohmer et apprendre...

le 17 août 2010

4 j'aime

Du même critique

Monty Python - Sacré Graal !
mavhoc
3

J'ai presque honte de ne pas aimer

Ce que je vais dire va surement sembler un peu bête, mais globalement je chie sur les critiques contemporaines professionnelles. Mon respect va aux avis des membres actifs du milieu du cinéma, ainsi...

le 23 mai 2014

75 j'aime

13

Black Book
mavhoc
5

Public aveuglé

Salué par la critique Black Book nous montre l'amour de Paul Verhoeven pour les scénarios longs sans longueur et les œuvres dotées d'image marquante. L'esthétisme ultra-soignée du film qui est...

le 5 mars 2016

35 j'aime

9

The Crown
mavhoc
7

Anti-binge-watching

Curieuse série que The Crown. Curieuse puisqu'elle se concentre sur la vie d'Elizabeth II, c'est-à-dire La Reine du XXe siècle, mais une reine sans pouvoir. The Crown est une série qui s'oppose à...

le 24 avr. 2019

28 j'aime

2