La Cartouche
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La Cartouche

Court-métrage de Théodore Bonnet (2015)

« Trending » ou comment tenter de s'attirer les sympathies des membres d'un site

Fort d’un parcours exceptionnel, on peut dire que Cyprien a réussie sa vie, ayant commencé juste en faisant des vidéos chez lui, il devenu par la suite une véritable marque et celui qui a popularisé le concept du podcast avec Hugo tout seul et autres Norman pour le meilleur et pour le pire. Lorsque la formule était au meilleur de sa forme, le concept s’est vu repomper jusqu’à plus soif, maintenant le truc tendance c’est faire des commentaires inutiles tout le long du jeu et dire que c’est du contenu d’intérêt pour YouTube. Bref le produit Cyprien™ est un véritable succès auprès de la jeunesse alors qu’il ne faisait jusqu’alors que des podcasts moyens, du coup au lieu de continuer à recycler ses mêmes poncifs à chaque podcast et ayant parcouru tous les sujets possibles, il essai de se faire passer pour un grand créatif original en faisant des court-métrages, ce qu’il n’est pas, c’est même le pire court-métrage qu’il ait pu sortir.


On ne pourra bien évidemment parler de ce « film » sans faire l’impasse sur le fait que la marque appartient dès lors à Webmedia, détenteur également du site Jeuxvideo.com. Il est nécessaire de parler de ce fait pour véritablement comprendre ce qu’est cette « chose », le court retranscrit en l’état par imitation le portrait de deux acheteurs compulsifs allant dans des brocantes et qui se mettent en spectacle sur YouTube (ces personnages sont inspirés de vrai personnes faisant des vidéos sur Youtube) en plus caricatural, leur leitmotiv ? Parcourir les brocantes, faire de bonnes affaires et montrer leurs acquisitions sur YouTube, ils ne font rien d’autres, ils ne testent pas les jeux et ne parle nullement de ce dernier, même pas son genre, son gameplay, son développeur ou encore son année de sortie. Non ils ne font que montrer l’objet et dire « j’ai acheté ça cette semaine ». Les deux gus faisant l’objet d’un délire sur les blablas de Jeuxvideo.com, forum connu également de l’extérieur pour le comportement excessif de la plupart des membres. D’ailleurs tiens on en voit beaucoup pointé la merditude du métrage mais on ne s’est pas très intéresser au message sous-jacent transmis et qu’on ne connaît que si on connait la mentalité de certains membres du site tandis que d’autres iront justifier ce manquement à l’humour par l’éternel second degré ou la fameuse « ironie ».


Pour en venir aux faits et pour faire court, c’est un produit qui dure une vingtaine de minutes surfant sur la tendance de ce que les gens appellent « le brocante game » et brossant dans le sens du poil une partie des membres de Jeuxvideo.com qui ont initié ce délire, c’est assez fort comme accusation et c’est pourquoi je vais justifier ma position dans les prochaines lignes, je doute qu’il est question ici de simple moquerie ou parodie. Inutile de raconter que le métrage est parcouru de clichés plus gros les uns que les autres, le sexisme même pas masqué et la fin marquée avec un message de délit de sale gueule: Gabi disant à la dame ayant refilée son numéro qu’elle a une sale tronche à la fin et le copain disant qu’il va bien devoir la fourrer un jour, on ne fait pas dans la finesse chez Cyprien-Webmedia. Outre l’appropriation d’un délire communautaire, le métrage est parcouru de langage et de codes qu’on trouve par ailleurs dans les bas-fond des blablas de Jeuxvideo.com - comme en société - comme « les puceaux », le jugement esthétique parfois insultant sur les femmes et ce que doit être « un homme » (il doit toujours faire preuve de sa virilité), tout ça pour dire que la vidéo semble avoir un cahier des charges bien précis et pour celui qui connaît la mentalité de la plupart de ses membres, on sent bien ici que la société mère de JVC essaie de faire campagne pour s’attirer le capital sympathie des membres du site (et aussi le prendre pour un débile, faut dire que pour certains c'est mérité), dont la communauté a tout sauf de la sympathie pour le bonhomme et encore moins l’envie de le voir débarquer sur le site (n’oublions pas que Cédric Siré voulait élargir le public de JVC et donner de nouveaux contenus qui pourrait les intéresser, bon après tout le monde sait qu’il parle pour lui-même), tout ceci semble fait pour brosser dans le sens du poil une catégorie bien déterminé de forumeurs. J’imagine bien que la prochaine étape est de les voir débarquer sur le site fondé par Sébastien Pissavy en 1997 mais bon là n’est pas le principal souci.


En vérité ce qui choque dans ce court, c’est qu’en appliquant ce cahier des charges pour essayer de s’adresser à une frange du public cible (une partie des membres de JVC), ils en viennent à légitimiser des attitudes et faire part d’éternel injonctions comme le fait qu’être adulte implique de facto une virilité qui doit être constamment entretenu. Je vais en parler en évoquant le cliché du « joueur de jeu vidéo » si vous le voulez bien, ceux qui ont moins de 20 ans n’ont pas forcément connu les moqueries et le mépris entretenu même par les médias et « l’élite » sur une population qui adore ce média émergent, certain-e-s se souvient encore que les joueurs-se de jeu de rôle plateau ou les métalleux-euses sont de vrai satanistes, pour ce qui était des joueurs-se de jeu vidéo, ielles étaient surtout des tueurs-ses de masse, un cliché qu’on connaît depuis la tuerie de Colombine aux Etats-Unis. Si encore certain-e-s font encore ce genre de rapprochement entre jeu vidéo et une quelconque tuerie, aujourd’hui ce n’est plus vraiment d’actualité du fait des différentes études menées qui montre que le jeu vidéo n’est pas en cause et que les médias n’insistent plus sur ce point comme c’était le cas il y a encore plusieurs années. Aujourd’hui si les choses ont changées, l’imagerie populaire du « gamer » (joueur-se pratiquant intensivement le jeu vidéo et ayant un intérêt pour cette culture) est resté, il est avant tout perçu comme un homme (une femme dans de très rares cas) n’ayant jamais eu de relation sexuelle, solitaire et étant un acheteur compulsif de l’objet adoré, ce qui montre que le mépris social s’est déplacé autre part et est beaucoup plus insidieux, outre le fait que la population féminine (même s’ielle est moins présente dans la pratique intensive du jeu vidéo si elle est comparée à celles des hommes) est ignorée et qui pourrait être tout aussi bien intéressé par le jeu vidéo comme n’importe quel gamer aguerri ( il suffit de voir la scène où la compagne de Flo n’est intéressé par le jeu uniquement parce que c’est « son homme », madame doit être toujours à l’écoute et ne doit s’intéresser qu’aux trucs « masculins » que si il y a un homme dans le tableau), il montre par ailleurs et comme le montre encore ce métrage que cet objet de fantasme qu’est le « gamer » ne peut être accepter par les autres qu’à la condition même que celui-ci fasse preuve de sa force en société et avoir au moins une copine comme ses autres homologues masculins, la seule porte de sortie pour un homme dans le chemin de l’évolution serait de faire preuve de la démonstration de sa force, de ses relations et de son autorité parce que sinon c’est juste un gamin et pas un « homme », le tout représenté par la figure de sa soeur, on conviendra que ceci est une vieille injonction patriarcale très réductrice, disant que le « vrai homme », le seul, l’unique, doit absolument avoir une femme, avoir fait l’acte sexuelle et des enfants, ramenant celui-ci par ailleurs à un amas de muscle sans cervelle juste bon à devoir niquer à tout va comme le laisse si bien entendre le court-métrage, envoyant aussi comme message que les filles ne sont juste que du bétail, ce qui n’est pas très glorieux. De même s’adresser à une personne avec les termes « salut les puceaux », est en est une autre et possède également un caractère de reproche pour la victime, sous-entendant un manque de normalité (ou sa non-conformité à un modèle) du fait qu’il n’a pas encore de petite amie, la fin clôturant la leçon de morale avec une femme arrivant l’air de rien dans le magasin et donnant direct son numéro de téléphone à Gabi (j’imagine qu’il doit avoir un aimant attirant la fille…) et le pote disant à ce dernier après avoir dit qu’elle était moche « qu’il faut bien niquer un jour ou l’autre », ceci dit nos chers producteurs sont tout de même un peu philanthrope dans l’âme malgré la crasse que représente cette vidéo, il y a au moins une femme qui joue le poste de responsabilité qu’est être policier. Ironie mise à part, autant vous dire que cela me fait bien rire à côté leur morale à deux balles sur l’amitié, sans oublier les placements de produit, pas la peine de sortir qu’il n’y a aucune tentative de publicité en début de vidéo, même un aveugle aurait vu l’entourloupe. Le tout étant rempli de guest-star populaire de Youtube pour essayer de rameuter les fans de tel idole et brasser un nombre plus large de vue, on ne pourra pas dire que le produit est mal calibré.


Je dois aussi faire le constat que je suis assez déçu de Frédéric Molas (Joueur du grenier) de faire une apparition dans un film aussi minable, j’aurais jamais cru qu’il participerait à ce genre de manège, il avait peut-être besoin de rentrer dans ses frais, j’en sais rien mais j’aurais jamais cru le voir participer à une production faite par des gens qui sont le summum de la politique de la culture poubelle sensationnaliste et de la recherche du clic, en l’occurrence Webmedia.


Pour finir, la seule attitude à avoir face à cette chose est de la mettre au pilori vu la bêtise affichée durant tout le long du métrage ainsi que les messages envoyés aux spectateurs-trices ainsi que de mettre en face les créateurs de cette chose face à leurs responsabilités, quand on a un public jeune on évite de l’exposer face à une reproduction de clichés comme on en a assez vu, d’un scénario idiot dont la référence ne pouvant être compris que par une partie des specteurs-trices, en flattant les bas instincts, se permettant la moquerie gratuite avec complicité (on comprends mieux qu’on a du mal à gérer les mauvais comportements des forums d’un site si l’entité qui doit la représenter légitime ces mêmes comportements au travers d’une vidéo) et ayant une écriture et un message foutant la gerbe, autant dire qu’il est facile de se moquer des autres youtubers mais quand à côté on fait pas mieux pour élever son public et qu’on l’entraîne toujours plus loin dans ses vices, on évite généralement de trop l’ouvrir.

Snervan
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le 30 janv. 2016

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