De la fesse et du sang dans un Moyen Age brutal

Peu de temps avant de s'installer aux Etats-Unis pour réaliser Robocop, Paul Verhoeven justifiait son surnom de "Hollandais violent" en signant ce magnifique conte médiéval, barbare, sanglant, érotique et romantique... un mélange de genres parfaitement géré, une première approche hollywoodienne qui le changeait des petits budgets de son pays natal. On parle souvent de Moyen Age, c'est vrai que le film se situe à la charnière de 2 époques : la fin du Moyen Age proprement dit, et le début du XVIème siècle, donc à l'aube de la Renaissance, puisque la troupe de mercenaires commandés par le seigneur Arnolfini a plutôt des allures de lansquenets, mais ne chipotons pas.
En choisissant de montrer un Moyen Age sans concessions, Verhoeven renvoyait se rhabiller les lieux communs aseptisés et les fioritures enluminées que Hollywood avait montré pendant des années, son film n'a plus rien à voir avec les Ivanhoë, Quentin Durward, Prince Vaillant et autres Chevaliers de la Table Ronde qui développaient une imagerie souvent édulcorée. La cruauté, la violence, les massacres sanglants, la saleté et la crasse font voler en éclats tous les idéaux de la chevalerie et autres fariboles héroïques. A cela, s'ajoutent le ton cynique et le caractère outrancier et ambigu des personnages, et un érotisme plutôt cru et montré sans ambages. Je ne dis pas que tout ceci est mieux, et je ne renie pas les vieux films hollywoodiens de chevaliers qui ont charmé mon enfance, mais assurément ça surprenait en 1985, d'autant plus que Verhoeven était beaucoup plus proche de la vérité, d'une époque où la civilisation émergeait à peine de la sauvagerie, il a donc raison de donner cette vision nouvelle.
Déjà je crois que Franklin Schaffner avait montré un Moyen Age assez brutal et cru qui contrecarrait le cinéma hollywoodien à l'ancienne, dans le Seigneur de la guerre en 1965. Mais ici, tout est décuplé, Paulo donne de la fesse et du sang sans vergogne à travers cette bande de soudards mercenaires qui se retrouvent floués de pillage et qui décident de prendre leur destin en main. Ils sont bien emmenés par un Rutger Hauer impérial, à la tête d'un bon casting composé de Bruno Kirby, Ronald Lacey, Susan Tyrrell, Brion James, Jack Thompson et Jennifer Jason-Leigh qui faisait sensation dans le rôle d'Agnès. Un film historique atypique et pas comme les autres, une grande réussite.

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le 23 janv. 2018

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