Pour unir toute communauté il faut : un bouc émissaire.
Mads Mikkelsen c'est un peu cet connaissance sur qui on avait plein de préjugés pour s'apercevoir, lors d'une soirée entre potes, qu'ils sont tous faux. Parce que dans Jagten c'est l'homme qu'il fallait pour rendre la complexité désarmante - car simple ! - de la situation.
Ne tournons pas autour du pot (de chambre), Jagten c'est l'histoire de cet homme accusé à tort de pédophilie. Oui, dit comme ça, ça fait pas envie. Par contre tout est dans le traitement, et là c'est un régal. L'idée n'est pas de montrer un homme descendre aux enfers et de sympathiser avec lui, mais bien de voir comment la vérité voire la réalité dépend concrètement des alliances humaines qui nous entourent.
En bref, une fois que vous êtes désigné comme bouc émissaire par une communauté, c'est fini pour votre gueule. Votre seule chance de survie c'est l'intégrité avec un grand "I", le refus de la conformité, et ce film définit presque ce que signifie le mot Vertu. Parce que le personnage de Mads est une assez impressionnante posture humaine : pour avoir ses réactions et son intelligence de comportement, il faut déjà avoir bien intégré une forme de savoir vivre culturellement bien avancé. Mais : fondamentalement "humain".
C'est un film terrifiant de par la simplicité de la situation qu'il décrit, et qui comme souvent dans les affaires humaines se lit facilement depuis l'extérieur. Il suffirait que ces connards de bourreaux (par ailleurs aussi bourrins) écoutent la vérité, bon dieu. Cependant, ils en sont incapables, car tout entiers pris dans leur instinct-volonté de trouver un coupable. Même une fois le crime rendu imaginaire et l'innocence présentée en toute lumière, les hommes aveuglés par leur soif de punition continueront à se dire qu'ils n'ont pas pu tout inventer eux-mêmes. Il doit forcément être "un peu" coupable, voire même "potentiellement". Même si cette fois il n'a rien fait, gardons-le à l’œil pour le restant de ses jours.
En face de cela, l'accusé est impuissant, et la justice ne peut rien pour lui. Pensez, dans notre monde bien réel, à l'affaire d'Outreau.
Thème omniprésent également, le crédit donné à la parole de l'enfant, celui-ci bénéficie également d'un traitement exemplaire car exempt de vengeance. L'enfant et l'adulte savent mieux que tous les autres quelle est la vérité réelle et quelle devrait être la vérité sociale. En cela, leur relation reste la plus sincère du film, ce qui est un comble de vertu.
Un film presque infini qui rejoint presque "le Fils" des frères Dardennes dans les rangs des leçons de Vertu.
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