Il y a dans La Chasse quelque chose d'une rare violence. Une violence insidieuse, perfide, vile, caustique.
Tout le pari était là ; rendre compte de la déchéance soudaine, d'une existence précipitamment éclatée et précipitée dans une solitude insoutenable.
Et le pari est réussi haut la main. Thomas Vinterberg prend sa caméra, et réussit avec une facilité déconcertante, à réaliser ce délicat objectif.
Il rend compte de cette violence par son image. Si on pourrait la constater terne, froide, sans véritable style, est recèle pourtant d'un sens qui rend chaque plan d'une intelligence folle. Embarquée, comme elle l'est trop souvent,de nos jours, dans des films dits sociaux, la caméra est photographie d'une justesse rare. Les plans anodins, à l'allure documentaire, pourtant embellis par de magnifiques jeux de lumières accusatoires, sont gorgés d'un sens d'une rare intelligence, dont on ne saura trop rendre compte et célébrer.
Toujours simple sans jamais verser dans le classique ou le simpliste, le scénario propose une descente aux enfers ciselée, disséquée, analysée avec distance et froideur, lente et progressive tout en paressant d'une radicalité et d'une rapidité toujours entretenue. Chaque minute du film est stupeur et surprise estomaquée. On ne sait où se mettre. On pense à tous les personnages, tous magistralement interprétés, Mads Mikkelsen le premier, évidemment, attachant, sauvage et complexe, entretenant et conservant l’ambiguïté de son personnage dont on aimerait corriger les réactions ratées et les imperfections, dont on aimerait qu'il se défende avant d'en arriver au supposé irréparable, dont aimerait qu'il ne rejetât pas ceux qui l'épaulent, tous ayant raison, tous ayant tord.
Multipliant les points de vue, Vinterberg nous perd et nous fait presque douter. La paranoïa est contagieuse. Mais là où Vinterberg est génial c'est qu'il évite toujours l'insupportable, ne nie ni ne cache jamais la violence mais dont il ne la détourne pas pour proposer un film révoltant, cru, dérangeant et énervant. Son film est éprouvant, mais l'on y trouve du secours, des bouées dans cet océan tourmenté, de même que le héros, à la dérive, trouve refuge en ses amis qui croient toujours en sa sincérité.
Si l'on aurait pu s'arrêter au dîner de Noël, réconciliation supposée entre les deux amis, on admire pourtant cette fin terrible, vorace, qui sème un doute palpable et rajoute du piquant, se gardant bien de donner les réponses pour nous laisser sur ce constat tragique : rien n'est jamais oublié.

Créée

le 23 janv. 2016

Critique lue 400 fois

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Charles Dubois

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