The Hill relate l'histoire de cinq militaires britanniques durant la seconde guerre mondiale, reconnus coupables de délits divers (vol, absence injustifiée, insubordination) et envoyés dans un camp de redressement en Libye pour être remis dans le droit chemin (de l'armée). Ils seront confrontés à la bêtise et au sadisme institutionnel des sergents Wilson et Williams, qui n'auront de cesse de leur faire gravir cette fameuse colline artificielle, inutile tas de sable mais véritable instrument de torture sur une variation du mythe de Sisyphe.

Le septième film de Sidney Lumet, fort d'une photographie remarquablement travaillée et tourné dans un noir et blanc impeccable, fait partie de ces nombreux films qui s'appliquent à déconstruire le mythe de l'institution militaire, capable de produire à la chaîne des hommes, « des vrais ». On peut par exemple penser au classique Full Metal Jacket de Kubrick, sorti 20 ans plus tard, qui traite également des conséquences psychologiques inéluctables d'une telle « thérapie ». La scène de la recrue Lawrence dans les toilettes du camp à la fin de la première partie, symbole même de la formation réussie qui explose en vol, reste gravée dans dans nos mémoires.

Sean Connery s'offre ici un de ses plus beaux rôles, aux antipodes du James Bond qu'il incarne à l'époque, et seulement un an après avoir tournée Marnie avec Hitchcock. Une autre mention spéciale à Ossie Davis, victime d'un racisme corporatiste, avec une scène d'anthologie où il fait son numéro face au commandant. Enfin, Ian Hendry, le machiavélique sergent Williams, semble doté d'une créativité hors du commun quand il s'agit de torturer — ou soigner, cela dépend du point de vue — les prisonniers : port d'un masque à gaz de SS lors de l'épreuve de la colline, exercice de la corde au-dessus de rochers saillants, combat déloyal à trois contre un, et last but not least, lynchage punitif jusqu'à ce que mort s'en suive.

The Hill dresse le portrait psychologique de ces hommes qui, face à l'adversité de la chose militaire, réagissent de cinq manières différentes : la peur, la démence, l'obéissance, le courage et le trépas. Connery, figure charismatique de l'insoumis qui refuse l'arbitraire, porte sur ses épaules le message de Lumet : non, l'obéissance aveugle et irréfléchie intrinsèque à la hiérarchie militaire ne saurait faire de nous des Hommes, pas même lorsque cette dernière est érigée en thérapie et déguisée en parangon de vertu.

La suite ici : http://www.je-mattarde.com/index.php?post/La-Colline-des-Hommes-Perdus%2C-de-Sidney-Lumet-%281965%29
Morrinson
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le 9 sept. 2013

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