Jean-Paul Salomé ? Mouais. Isabelle Huppert en policière s'improvisant trafiquante pour arrondir des fins de mois compliquées, parlant arabe en prime ? Déjà plus. Et puis vu le programme actuel dans nos salles obscures, un film dont le sujet sort de l'ordinaire, c'est déjà pas mal. J'ai eu un peu de mal à rentrer dedans, même si nous sommes assez vite dans le vif du sujet. Ni prenant ni ennuyeux, « La Daronne » mène honnêtement sa barque pour raconter cette histoire plutôt originale, sans parvenir à lui donner autant de saveur qu'espéré (je pense notamment aux dialogues et aux seconds rôles, où l'on sent pourtant un potentiel humoristique fort), si ce n'est à travers ces deux dealers au rabais tellement idiots qu'ils en deviennent presque sympathiques.
On a un peu de mal à y croire, mais le ton pince-sans-rire choisi s'avère pas mal adapté au propos, renforcé par la sobriété envers et contre tout d'Isabelle Huppert (au jeu toujours identique et pourtant jamais tout à fait le même), que l'on suit jusqu'au bout dans son entreprise aussi improbable que dangereuse. D'ailleurs, si je trouvais le rythme un peu mou pendant la première moitié, cela s'emballe par la suite, même les personnages manquant de relief finissant par trouver leur place dans le récit pour amener quelques situations intéressantes, notamment lors de
la course-poursuite où l'héroïne est à deux doigts de se faire piéger
(clairement la meilleure scène).
Salomé touche alors à quelque chose de plus juste, plus profond dans le regard qu'il a pour chacun, jusque dans son dénouement plaisamment amoral, préférant le « happy end individuel à la « love story ». Au vu du potentiel, il y avait sans doute de quoi faire mieux : Salomé échoue à donner plus de personnalité, un ton vraiment incisif quant à un scénario qui aurait pu aller vraiment très loin dans le cynisme. Mais il fait aussi preuve de belles idées
(les jeux vidéo pour brouiller les conversations!)
et sait mener sa barque avec une certaine tenue, voire un joli savoir-faire par moments. Pas un incontournable, donc, mais en cette année 2020 si compliquée pour le septième art, pourquoi pas.