Dans les années 1940-1950, la psychiatrie et la psychanalyse sont à l'honneur à Hollywood. Ici la peste freudienne l'a emporté. Fritz Lang signe un des premiers phares dans le registre, La femme au portrait (1944), suivi par Hitchcok avec La maison du docteur Edwardes (1945) ; Mankiewicz réalisera sur le tard le magistral Soudain l'été dernier (1959), avec le tandem Taylor/Hepburn au sommet. Auteur de films noirs dont le plus fameux est Les Tueurs (1946) Robert Siodmak inclus naturellement de telles thématiques. The dark mirror (1946) en est le plus vibrant exemple.


Une jeune femme est accusée d'un meurtre ; lorsque la police se rend à son domicile, elle la découvre en présence de sa sœur jumelle. Elle apparaît habillée et coiffée exactement de la même façon. Interprétées par Olivia de Havilland qui s'affranchissait de ses rôles de potiche, les sœurs seront différenciées au fur et à mesure. Dans la seconde moitié du film, les apparences et les manières aussi se distinguent, pendant que la méchante Terry montre son vrai visage. Le suspense n'est pas éventé dès le départ, mais il tiendra peu de temps. The dark mirror s'affirme comme un conte psychologique, l'enquête n'étant qu'un instrument émoussé au service de démonstrations très didactiques. La gestion des personnages est intelligente, mais le postulat reste 'gros' à avaler. The dark mirror garde ce côté naïf, pompeux et 'spécieux' propre à ce genre de productions, mais il s'en donne les moyens.


Non seulement il jongle habilement avec sa grande idée manichéenne, mais il étale des connaissances sur la psychanalyse et ses outils (test de Rorschach détaillé). C'est une œuvre de vulgarisation maquillée en thriller ludique et torturé, avec des airs de Verhoeven light avant l'heure. Par sa constitution, elle s'interdit une efficacité viscérale, tout en demeurant très attractive. La réalisation exprime les mystères que le scénario brime ouvertement. La mise en scène de Siodmak est magnétique ; l'influence de l'expressionnisme allemand s'exprime de façon originale chez lui, par rapport au 'film noir' type du moins. Une tension superficielle mais très spéciale habite le film, éclatant remarquablement lors de la résolution, petite scène sur le papier mais renversante à tous degrés. Les trucages sont remarquables (les sœurs sont réunies très souvent dans le même plan) et la photo superbe.


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le 15 sept. 2015

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