Au début du 18ème siècle, la décadente cours d’Angleterre est sous le règne de la Reine Anne, une souveraine à la santé fragile et sous influence. Une servante voit en ce chaos un moyen de gravir les échelons du pouvoir. Attendez-vous à être dérouté par ce film d’époque au ton contemporain narrant une histoire intemporelle.
Depuis une dizaine de films, le cinéaste grec Yórgos Lánthimos nous propose une vision terriblement noire et désabusée de la condition humaine. Ses films sont toujours provocateurs, glaçants et caractérisés par une esthétique très léchée, que certains n’hésiteraient pas à qualifier de poseuse. Depuis The Lobster en 2015, il a réussi à convaincre Hollywood à financer ses œuvres et à disposer ainsi de prestigieux casting : Colin Farell, John C. Reilly, Léa Seydoux, Nicole Kidman, Rachel Weisz… Dans La Favorite, il rajoute Emma Stone à son tableau de chasse, la faisant évoluer dans des décors somptueux, sublimées par une photographie lumineuse et glaçante.
Si La Favorite est une libre interprétation de faits historiques réels, la volonté de provoquer de Lánthimos reste intacte. Premièrement dans la forme, lorsque le réalisateur use et abuse d’objectif à très courte focale, capables de capter un angle extrêmement large en distordant les décors. Puis dans ses dialogues, écrits avec un anglais contemporain, contrastant avec un environnement et une musique baroque. Les personnages paraissent ainsi littéralement écrasés, miniaturisés, ridiculisés et enfermés sous ses imposants décors, et très distant du spectateur. Tous ces protagonistes se dessèchent et s’épuisent inexorablement à vouloir accaparer le pouvoir. Aucune de leur relation n’est désintéressée, tous ne sont que manipulateurs ou manipulés.
Le spectateur a donc l’impression d’assister à une exposition de complots et de calculs machiavéliques dans une boule à neige stylisée. Cette collision des styles, probablement dans une volonté d’universaliser son récit, désincarne totalement les personnages. C’est joli, parfois ludique mais il y a cette distance, propre au style Lánthimos, qui bloque toute émotion, bien que son trio d’actrices (Rachel Weisz, Olivia Colman et Emma Stone) se donne corps et âmes pour incarner ces figures historiques. La Favorite est donc une expérience intéressante, s’adressant plus aux formalistes qu’aux émotifs.