Un biopic en costume réalisé par Yórgos Lánthimo, il y a de quoi être piqué par la curiosité tout en pouvant douter du résultat. Qu’à cela ne tienne, telle une mouche qui pare un faciès poudré, « La Favorite » est un film plus abordable mais tout aussi cinglant que ses précédentes réalisations. Si l’académisme historique et les dialogues guindés vous repoussent, n’ayez crainte, cette proposition est en totale opposition avec les poncifs du genre !
La sublime photo de Robbie Ryan, aux rotations de caméra très travaillées, renforce la sensation d’isolement dans les grandes salles du palais royal et donnent une majestueuse impression de tournis. Filmé en lumière naturelle, la grisaille Anglaise est un écrin brumeux qui sied aux complots et accentue la crasse ambiante. La musique toujours au diapason, elle aussi moderne dans son approche minimaliste, accentue le sentiment d’oppression qui convient parfaitement aux manigances qui se jouent derrière les murs tapissés.
Les dialogues sont joués de manière très moderne, ce qui peut sembler anachronique et fort mal venu permet en fait de faire un lien impertinent avec notre époque où les intrigues de pouvoir ont finalement peu changé.
L’humour fin, les dialogues ciselés, les situations cocasses et les manigances dans les coulisses du pouvoir offrent un terrain de jeu fabuleux à un trio d’actrice au sommet de leur art. La rivalité entre Rachel Weisz et Emma Stone est acide et perfide à souhait, Olivia Colman est -c’est le cas de le dire- impériale car elle parvient à montrer la dualité d’Anne Stuart, tour à tour odieusement capricieuse puis étonnamment touchante.
A cette époque, les hommes sont plus poudrés que les femmes, maniérés au possible, ils tentent tous, à leur façon, de manœuvrer une reine aussi instable que leurs perruques blanches. Bien qu’en infériorité numérique et supposément de pouvoir, ce sont bien les favorites (d’ailleurs moins maquillées que ces Messieurs), au gré d’unions avec la gent masculine, qui façonnent les décisions. Au petit jeu des alliances et des manigances, ces Dames ont plus d’esprit, plus de perfidie et les abus de pouvoir et des richesses annoncent le déclin d’un empire.
Ce joyau de la couronne est ciselé par du souffre, le fond et la forme sont en totale adéquation et l’audace à tous les étages font de cette offrande une réussite totale.