Sophie et Andrzej,clap de fin."La fidélité" est la deuxième adaptation en deux ans de "La princesse de Clèves" après "La lettre",de Manoel de Oliveira,sorti en 99,le même Paulo Branco ayant produit les deux films.Comme le vieux réalisateur portugais,le polonais Zulawski a modernisé l'oeuvre,mais se l'est aussi appropriée pour en faire un film hautement autobiographique.Voici donc la charmante Clelia,photographe arty très cotée qui passe son temps à shooter tout et n'importe quoi,n'importe comment,pour en tirer des clichés flous que tout le monde trouve géniaux.Entre deux clics,elle se fait sauter par tous les types qui passent.Mais sa vie va radicalement changer.Sa mère étant gravement malade,elle accepte pour pouvoir payer les frais médicaux d'incorporer un groupe de presse trash dirigé par un requin du business qui est peut-être son père.Dans le même temps,elle épouse un éditeur beaucoup plus vieux qu'elle dont elle n'est pas vraiment amoureuse.On ne comprend pas les raisons de cette décision si on ne connait pas l'histoire derrière l'histoire.En fait,Clèves,c'est Zulawski,qui raconte sa propre relation avec Sophie Marceau.Dans le roman de Mme de La Fayette,l'héroïne épouse un aristocrate pour des raisons financières.Ici,le mari n'est qu'un éditeur au bord de la ruine,qui ne peut donc compter sur sa richesse pour séduire Clelia.C'est sans doute ainsi que se voit Zulawski.Comme lui,Clèves est un pur,fasciné par l'art et non par l'argent.Le reste coule de source:Andrzej avait 26 ans de plus que Sophie,elle éprouvait probablement pour lui,plus que de l'amour,de l'admiration,de l'affection et du respect,car le cinéaste avait été pour elle une sorte de Pygmalion,la transformant en une actrice "sérieuse".Par conséquent,l'identification avec le récit de La Fayette fonctionne parfaitement.Jusqu'à un certain point cependant,car l'héroïne du roman correspond au fantasme du réalisateur plus qu'à la vie réelle.Clelia,par loyauté,résiste héroïquement à la passion qu'elle éprouve pour le jeune Nemo et refuse obstinément de trahir son mari,alors que Sophie n'a pas eu dans la réalité les mêmes scrupules.Par contre,la souffrance et la colère de Clèves sont bien celles éprouvées par Zulawski face à l'infidélité de sa compagne.Néanmoins,Andrzej n'ira pas,comme son double cinématographique,jusqu'à mourir de chagrin amoureux.Il est effectivement décédé depuis,mais d'un cancer,quinze ans après la séparation d'avec Sophie."La fidélité",qui sera l'avant-dernier film de Zuzu,peut ainsi être vu comme le chant du cygne du couple,qui se séparera l'année suivante.Voilà pour le décryptage,reste le film.Le moins qu'on puisse en dire est que le télescopage entre le style littéraire guindé du roman et le style hystérique du polac énervé provoque une déflagration assez conséquente.Le spectateur,hésitant entre stupéfaction et franche hilarité,assiste à un gigantesque happening déchaîné et grotesque dans lequel des personnages tous plus cinglés les uns que les autres semblent en proie à une continuelle crise d'épilepsie.Ca gueule façon théâtre d'avant-garde ou ça chuchote de manière inaudible des dialogues précieux à la mode du 17e siècle,ça se frappe,ça titube,ça trébuche,ça gigote dans tous les sens,Andrzej balance au hasard des morceaux rocks tonitruants qui couvrent les voix.Les acteurs jouent faux avec une telle détermination qu'on soupçonne Zulawski de les avoir menacés de réduire leur cachet des trois-quarts à la moindre velléité de justesse dans l'interprétation.En outre,le réalisateur a manifestement pris un plaisir sadique à maltraiter et humilier ses comédiens que,sauf erreur,on n'a jamais vu dans des situations aussi gênantes.C'est un homme qui souffre,Andrzej,et il tient à ce que les autres morflent aussi.A commencer par Sophie Marceau.Non content de lui faire incarner la sainte qu'elle n'a pas su être dans la vraie vie,il s'arrange en plus pour en faire une foutue salope.Elle n'arrête pas de flirter avec ce pauvre Nemo,avant de le laisser à chaque fois en plan avec sa bite sous le bras au moment de conclure.D'autre part,Andrzej se délecte à filmer sa belle dans des positions embarrassantes.Tous les mecs dans le film veulent se la faire,et Sophie est souvent nue ou habillée de manière si suggestive qu'elle pourrait aussi bien être à poil.On la voit se faire tripoter abondamment,se faire prendre sauvagement,et à l'occasion on l'envoie se rouler par terre sur les trottoirs,se traîner à quatre pattes,ou on montre en gros plan ses expulsions de morve ou ses écoulements de sang menstruel.Tout ça sent la vengeance et la jalousie morbide.Mais elle n'est pas la seule à trinquer.Pascal Greggory,lui,hérite du personnage de Clèves,qui est décrit comme un débile mental.L'acteur roule des gobilles tel un dément,grimace comme un écorché vif et gesticule comme un pantin désarticulé.Guillaume Canet n'est pas mieux traité.Il n'aura jamais sa scène de baise avec Sophie,alors que d'autres y ont droit,et son Nemo subit des avanies à répétition.On lui noircit le visage à la suie,on le fait se viander à moto dans la boue,on le passe à tabac,avant de le brûler vif.Edith Scob n'a pas non plus fait le voyage pour rien.Elle interprète une rédac'chef alcoolo-nympho qui chancelle et balbutie des propos inintelligibles,ou se fait prendre sur le bureau par son patron.Pour finir,elle se déculottera en plein conseil d'administration et déposera son slip sur le bureau.La grande classe!Aurélien Recoing,lui,incarne un évêque pédé qui pleure comme un veau à la moindre émotion et finira par quitter les ordres pour se mettre en ménage avec une serveuse.Magali Noël et Armande Altaï,qui fut coach vocal à la Star Academy,sont complètement à l'ouest et ne sont là que pour entonner,fort mal,de vieilles chansons.Le vétéran Guy Tréjan,quant à lui,a un rôle muet et termine raide mort la gueule dans son assiette.Au milieu de cette débâcle,Michel Subor,impérial,est le seul à s'en tirer honorablement dans la peau d'un entrepreneur aussi vulgaire qu'impitoyable.Au-delà de ses déboires conjugaux,Zulawski évoque tout un tas de sujets de façon désordonnée.Il condamne pêle-mêle le voyeurisme,dont il fait pourtant grandement usage,la presse people,règlement de comptes personnel?,le mercantilisme capitaliste et,au bout d'un film trop long qui n'en finit pas d'en finir,nous livre en supplément du trafic d'organes et des scènes de western.Les effets spéciaux et les scènes d'action sont si mal foutus qu'ils en deviennent comiques.Tout ceci est plutôt nul,mais c'est souvent distrayant.Reconnaissons toutefois que le cinéaste réussit des plans très composés,avec de la profondeur de champ,et très variés,puisqu'ils nous promènent des bas-fonds aux intérieurs cossus de la haute bourgeoisie,en passant par des lieux au design moderne comme les bureaux du journal.Et,paradoxalement,Sophie n'a jamais été aussi belle.Finalement,l'amour du réalisateur pour sa muse aura,malgré lui,pris le dessus sur la haine.

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le 25 août 2017

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