Essayons de résister à la tentation de la facilité sur le thème archi usé "la forme est nulle mais le fond est important". Ce qui ne serait même pas sincère me concernant ; si je n'adhère pas à la forme, je reconnais bien la patte Bercot / Maiwenn / Kechiche / Dardenne : souci du détail technique et documentaire, amour fétichiste du gros plan, photo neutre voire terne refusant tout esthétisme qu'on imagine de mauvais aloi, montage de rupture parfois surprenant mais personnel...


On peut ne pas aimer, mais de là à ravaler ce cinéma au rang d'un téléfilm lambda du service public, c'est un peu de la mauvaise foi.


Tourné peu de temps après les faits dont il s'inspire, on ne sait trop quoi en penser sur le fond. Certes, des dysfonctionnements sont mis en lumière, on dénonce l'arrogance des experts et avocats parisiens face aux pots de terre provinciaux, on s'indigne face à des comportements mafieux (relativement soft toutefois) et l'entre-soi, on rend hommage aux sans-grades qui résistent dans l'ombre et de l'intérieur. Le tableau d'ensemble est cohérent.


Mais plus que le médiator, le film se passionne surtout pour le personnage de Irène Frachon. Véritable char d'assaut qui fonce dans le tas, ne s'arrête jamais et réussit même à tourner ses conneries à son avantage.


Et allons plus loin : plus qu'à Irène Frachon, le sujet de toutes les attentions du film c'est l'actrice Sidse-j'ouvre-Google-pour-bien-orthographier-son-nom-que-je-n'arrive-jamais-à-retenir-correctement. Complètement en roue libre, elle en fait des tonnes, son accent danois fait des merveilles, elle semble avoir échappé à la réalisatrice et fasciner ses partenaires - bien au-delà des compositions d'acteurs. Naturellement, cela fonctionne à merveille, Sidse-j'ai-ouvert-Google-entre-temps débordant d'un charisme naturel très rare.


C'est finalement assez bien foutu cette double lecture, parce qu'on imagine sans peine que dans la réalité Irène Frachon devait provoquer peu ou prou la même impression sur son entourage et ses adversaires - sans quoi son combat de David contre Goliath n'aurait d'ailleurs probablement pas abouti.


Bref, une ode aux gens qui se bougent, qui sont assez fous pour croire qu'ils arriveront à faire bouger les choses. Un film qui prend le risque de tout miser sur son actrice survoltée et incontrôlable pour servir son propos : beaucoup plus malin qu'il n'y parait.

openupandbleed
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le 3 nov. 2021

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