La partie 4 s'ouvre avec la fin de l'épisode IV - pour une fois c'est simple. Cet épisode n'est décidément pas mon préféré : un peu de mal à accrocher à cette histoire de sorcières et de voiture dans un arbre. Surtout, Llinas ici se disperse trop : certes, c'est sa marque de fabrique depuis le début, et cela nous a valu bien des moments de plaisir, notamment dans l'épisode III. Mais ici ça fonctionne mal, on s'agace de ne voir aucune piste sérieusement avancer. Si l'équipe technique prise de folie est assez drôle, le coup du panthéon à l'asile vient un peu comme un cheveu sur la soupe (sans évoquer le fait qu'il mélange le panthéon grec et le panthéon romain : Vénus côtoie Héra...). Tout comme l'Italien qui met en émoi tout l'hôpital. Et la lettre écrite par Gatto à son copain Smith (prononcez S-mith) souffre de longueurs. L'intérêt revient un peu avec la séquence consacrée à Casanova. Mais lorsque cet épisode s'achève, on n'a rien compris, ou pas grand chose.


Retour au bord de route, avec cet échafaudage pour panneaux publicitaires qui nous fait comprendre que Llinas va parler : "allez, encore la partie de campagne, les prisonnières et c'est terminé" ! Comme une manière de nous dire : courage, c'est presque fini... Et en effet, on fatigue un peu.


Heureusement, l'épisode V, "Partie de campagne" est une vraie réussite. En noir et blanc et... sans aucun son. Chose jamais tentée, je pense, au cinéma, sur autant de temps. Pastiche du film de Renoir (que, malheureusement, je n'avais pas vu), ça commence drôlement, avec ces deux copains dont la moto tombe en panne : les voilà qui errent dans la campagne, ce qui nous vaut de belles images, comme les deux qui jouent avec les fils barbelés du champ de vaches. Ils se mettent des fausses moustaches, et voilà Tintin convoqué de nouveau, avec Dupond et Dupont. Surgissent une mère et sa fille. La mère est exaltée, la fille plus rêveuse. Puis un père et son fils. Le père entend draguer la mère et incite son fils à entreprendre la fille, à coup de pieds dans le cul. Tous trois s'installent sur l'herbe. Rires, cris, appels au loin, mettent en valeur l'absence de son. Clin d'oeil aux films muets, avec la mère qui prend la fausse moustache, évoquant Charlot, puis le gag de la charrette qui part avec seulement le père à son bord, typiquement burlesque.


Le son revient : celui du film de Renoir, sur des images de figures d'aviation dans le ciel. Une très jolie idée. Suite à quoi, de nouveau dans le silence, les Dupondt vont entreprendre l'un la mère l'autre la fille, avec succès. Belle scène avec la fille, sur un tronc d'arbre, assez burlesque aussi. Finalement, les deux femmes repartent, et les quatre hommes se retrouvent seuls, évoquant nos quatre actrices, absentes de cet épisode.


Après cet épisode créatif, et plastiquement très réussi, reste un ultime moment à suivre : "les prisonnières". Référence à Proust, dont la sixième partie de La Recherche se nomme La prisonnière ? Ou à Ford et sa Prisonnière du désert ?... Toujours est-il qu'on retrouve nos quatre actrices, filmées derrière ce qui semble un tissu usé : et voilà comment on évoque la captivité. Simple et efficace. Manière de dire que nous avons observé pendant plus de 13h ces quatre-là comme dans un bocal. Il est temps d'en sortir. Avant cela, les quatre ôtent leurs habits d’actrice : elles se mettent à nu pour un bain dans le fleuve. On découvre que deux sont enceintes. Je m'attendais à ce que Llinas essaie de relier tous les épisodes dans le dernier, et je me demandais comment il allait s'y prendre. Mais cette fin est intéressante aussi : c'est la "sortie de scène".


Enfin presque, puisqu'il reste 25 mn... de générique ! Le générique le plus long de l'histoire du cinéma ! Toute l'équipe plie bagage, se dit adieu, pendant qu'on subit (à force) la même chanson, mais avec moult variations : à la fin, le chanteur se reprend, demande conseil à un ami, le chante en français, revient à l'espagnol... comme une métaphore de ce que fut le film durant 10 ans de tournage.


Ainsi s'achève La Flor : un projet très singulier, audacieux, pas toujours réussi, mais attachant. Et mémorable.

Jduvi
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le 30 avr. 2019

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Jduvi

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