Guillermo del Toro revient une nouvelle fois avec une histoire de monstre. Jusqu'ici ça sent bon.
Par delà l'Atlantique les critiques s'emballent, les nominations s'accumulent, le ventripotent cinéaste mexicain semble invincible et bien parti pour rafler un beau paquet de statuettes dorées (malgré des polémiques naissantes de plagiat (coucou Jean-Pierre !)).
Et cet emballement peut parfois effrayer, voire pire : faire monter des attentes potentiellement non comblées par le matériau final...
Au commencement...
Et dès les premières minutes une sensation inquiétante m'envahit : une voix off convenue, un personnage vulnérable convenu, un compère rigolo convenu, un méchant vraiment très méchant convenu... Serions nous devant un film CONVENU ?
L'image est cependant très soignée, et cette dominante bleu-vert va imprimer le film dans son ambiance aquatique de manière très efficace.
Progressivement (et assez rapidement pour ne pas rester sur la première impression), le tout va prendre corps notamment grâce à cette patte visuelle et à LA créature montrée relativement rapidement dans le film, et dans son intégralité.
Et c'est BÔ bordel : le monstre est palpable, on croirait le toucher, les détails de sa peau sont légions, les effets d'eau et de phosphorescence magnifiques, chacune de ses apparitions va transcender le film (surtout dans ses premières rencontres avec l'héroïne), tant par la fluidité et le naturel de ses mouvements que par un charisme fou.
La réalisation est efficace avec son lot d'images marquantes qui restent dans la tête après la projection. Je pense notamment à la scène de danse en noir et blanc où le temps s'est littéralement suspendu dans la salle, et chose rare dans un multiplexe, où un silence imposant s'est installé.
Bémol sur la musique malheureusement : Alexandre Desplats fait une fois de plus une musique très convenue, les seules fulgurances étant les placements judicieux des morceaux d'époque...
Les apparences...
Les personnages vont très vite évoluer et briser la monotonie de leur vie quotidienne, que Del Toro avait efficacement montré par un montage rapide, classique mais efficace.
L'héroïne et son voisin de palier se libèrent de ce quotidien étouffant sans rêves, sur leur sexualité, leur rapport à l'autre. La progression de leur révolte est bien amenée, Del Toro nous prend par la main et rend vraiment cette épopée agréable et franchement drôle à voir par moment.
Mais à mon sens le deuxième point fort du film, c'est son méchant. Déjà c'est Michael Shannon et je pourrais arrêter de développer rien qu'avec cet argument.
MAIS : il incarne une des meilleures critiques sur le rêve américain, mais pas tant sur le fond (ça fait un moment qu'il prend un peu cher le rêve américain au cinéma quand même) que sur la forme.
En effet le pauvre Michael, pourrit littéralement au fur et a mesure des scènes où il embrasse ce fameux rêve avec son lot de dissonances parsemées durant le film (par exemple sa relation avec sa femme dans une ambiance Mad Men contrastant brutalement avec une sexualité bien moins glamour).
Le monstre humain
Le corps du film se base sur une formule bien connue de Del Toro, mais efficace, humaniser la créature pour amplifier le caractère humain en fonction dont ceux-ci vont se comporter avec ledit monstre.
Si on pense à E.T. avec certains traits de cet homme amphibie (crédité tel quel au générique), Del Toro s'aventure sur le terrain du sexe de manière humoristique, décalée et originale sans sombrer dans le grand guignol ou le grotesque.
L'ambiance guerre-froide est évidemment propice à la satyre : à travers le personnage de Michael Shannon et celui d'espion russe de Michael Stuhlbarg (L'Homme sérieux !), n'étant que de vulgaires marionnettes entre les mains de leur hiérarchie.
Autre référence du film servant le propos : l'omniprésence de nourriture verte, qui me semble être un clin d'oeil appuyé à Soleil vert et prend tous son sens dans la fable de Del Toro.
Les décors sont parfaits pour servir ce propos et cette ambiance avec ce côté Fallout (avant le champignon atomique bien sûr) et ce futur embelli qu'on imaginait dans le temps passé, "On aura tous des Jet-Packs dans le futur Papa" s'exclame le rejeton du personnage de Shannon...
En conclusion, si Del Toro ne révolutionne pas les thèmes abordés, bien qu'intemporels, la forme qu'il emploie pour le faire, tout en restant sa marque de fabrique, reste originale et extrêmement efficace de par le soin qu'il apporte à son film, et surtout à son Homme amphibie.
De là à justifier cet emballement aux oscars ?J'sais pas, j'ai toujours pas vu Phantom Thread... (PTA <3)
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