J'ai été immensément déçue par ce film.


Après avoir eu un véritable coup de coeur pour Crimson Peak, j'avais vraiment hâte de découvrir le dernier Guillermo Del Toro.


L'intrigue du film peut se résumer en une phrase : "Amélie Poulain rencontre Sauvez Willy".


En effet, l'introduction, avec sa photo très particulière (et très belle, je reconnais bien cette qualité au film) et ses enchaînements de séquences pour nous présenter le quotidien de l'héroïne, a un côté très Amélie Poulain. D'ailleurs, Eliza ressemble beaucoup à Amélie physiquement (petite mine, silhouette frêle, coupe de cheveux peut-mieux-faire, bonté incarnée). Elle a, comme Amélie, un ami peintre coupé du monde. Particularité : elle est muette, mais pas sourde.
Je sens trop que le film veut que nous trouvions cette héroïne adorable et attendrissante. Mais sa petite moue mignonne m'est complètement insupportable. C'est un personnage foncièrement bon, mais qui a aussi sa part d'humanité, ses petits plaisirs coupables (elle se masturbe tous les matins dans sa baignoire, comme un vrai être humain imparfait). Pour moi, ça ne fonctionne pas.
Son mutisme est supposé la couper du monde, faire d'elle un être solitaire dont les gens ne remarquent que le handicap. Or, quand l'héroïne se plaint de sa solitude et de sa différence, je ne peux pas trouver cela crédible : tous les personnages autour d'elle la voient pour ce qu'elle est, et non simplement comme une muette (si on exclue le méchant, dont nous parlerons plus tard, et qui trouve ça carrément excitant). Son ami peintre, sa collègue de travail, jusqu'au directeur du cinéma, tous se comportent plutôt normalement avec elle.
Une scène m'a aussi pas mal dérangée : celle ou Eliza demande à Giles de prononcer tout ce qu'elle lui signe. Pour moi, la situation est complètement improbable, et faite uniquement pour le spectacteur.


Zelda, la meilleure amie d'Eliza, est un personnage caricatural : celui de la meilleure amie noire, fidèle jusqu'au bout, et toujours prête à avoir le bon mot pour alléger un peu l'atmosphère. J'ai l'impression qu'Octavia Spencer joue encore et toujours le même rôle de side-kick loyal avec du caractère.


Le méchant est une caricature de méchant, d'ailleurs, je ne pourrais pas l'appeler autrement que "Le méchant". Il est pour moi tout à fait anecdotique.
Les complotistes soviétiques sont, eux aussi, très clichés, et je plains le public russophone qui verra le film en V.O : leur prononciation du russe est vraiment mauvaise. Pourquoi ne pas avoir choisi des acteurs véritablement russophones?


Venons-en au scénario. Le premier qualificatif qui me vient à l'esprit est "paresseux".
Héros se sent seul et incompris -> Héros rencontre une Créature aquatique -> Amitié se tisse entre les Héros et Créature via un langage commun -> Les méchants veulent se débarrasser de la Créature aquatique ->


Héros sauve la Créature et la ramène à l'océan.


Conclusion : La Forme de l'eau = Sauvez Willy. Point barre.


Sauf que dans la Forme de l'eau,


l'héroïne couche avec la créature aquatique


. Mais nous y reviendrons.


Ce scénario ayant déjà été vu et revu, j'ai concentré tous mes espoirs sur la Créature.


Première partie du film : tout ce qu'on apprend de la Créature, c'est qu'elle fait des petits bruits mignons quand on lui donne des oeufs et de la musique. La relation qui se noue entre Eliza et la créature est pour moi trop vite expédiée, on ne comprend pas bien ce qui les lie, si ce n'est leur solitude commune (mais, encore une fois, tout cela est assez superficiel)


Deuxième partie du film :


Eliza sauve la Créature et la ramène chez elle pour l'installer dans sa baignoire. Chouette, on va en savoir plus la Créature !
En en effet, on apprend qu'elle a la peau qui clignote bleu (Avatar), qu'elle peut guérir les gens par le toucher (La ligne verte), et qu'elle a un zizi décapotable. A la toute fin, on apprend aussi qu'elle a le pouvoir de cicatriser ses propres blessures et peut donner à son grand amour un attribut qui lui permettra d'entrer dans son monde (Poucelina).
Entre temps, on a aussi droit à une partie comédie musicale (La La Land ?!?) et à un dialogue très girly entre Zelda et Eliza, cette dernière encore toute jouasse d'avoir couché avec la créature
(ce qui reste pour moi un moment très whatthefuckesque).


Bref, finalement, on en sait très peu sur la Créature, sur l'univers auquel elle appartient et sur la source de ses pouvoirs surnaturels. Il y a d'ailleurs quelques incohérences :


par exemple, si la créature peut instantanément auto-cicatriser, pourquoi se laisse-t-elle saigner dans les premiers moments du film ? Si cette créature est une divinité, pourquoi est-t-il si simple de la contraindre et de la maintenir prisonnière ? Pourquoi la créature perd-elle ses écailles et se meurt-elle dans une eau inadaptée, si elle est en effet immortelle et divine ?


Pour résumer, je dirais que la photographie du film est la seule chose qui vaut vraiment le détour. Pour le reste : le scénario est éculé, la construction des personnages est soit superficielle, soit incohérente, soit clichée, la Créature n'est pas rendue suffisamment intéressante pour m'empêcher de m'ennuyer.


Retournez voir Sauvez Willy, ou les autres films de Guillermo Del Toro, mais passez votre chemin pour celui-ci.

Philopathe
3
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le 1 mars 2018

Critique lue 302 fois

Philopathe

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