Difficile de donner une note sur le nouveau Del Toro tant il a de qualités mais aussi de choix discutables.
La 1ère chose que l'on constate c'est que Guillermo reste un maître dans sa capacité à créer une ambiance particulière et unique. Cette Amérique des 60's avec un côté baroque et une pointe de dystopie est envoûtante s'y dégage une atmosphère propre aux Del Toro. Un désenchantement que l'on retrouve dans les personnages, réussis dans l'ensemble, en particulier le duo Elisa, Giles particulièrement touchant tout au long du film et reflets de ce monde désenchanté.
Si ce duo est touchant, celui qu'Elisa forme avec "l'atout" (la créature) l'est aussi, et le spectateur se retrouve pris dans cette histoire d'amour pour le moins inhabituelle. Malheureusement, bien qu'attachant, ce couple ne donne jamais son plein potentiel et ne parvient pas à nous faire ressentir de fortes émotions. En cause de trop nombreux raccourcis dans l'histoire, le couple enchaîne les stades de leur relation sans réel développement.
Ce qui amène à mon principal reproche, Del Toro fait des choix de développement contestables : "The shape of water" traîne certaines longueurs (notamment au début) alors qu'il n’approfondit pas assez la relation Elisa-créature, qui du coup reste trop banale dans son évolution, alors qu'elle aurait dû être le point majeur du film.
Autre choix contestable, celui de faire basculer au 1er plan, dès la seconde moitié de l'histoire la course contre la montre opposant Elisa à Strickland (méchant plutôt réussi bien qu'un peu caricatural par moments), le film basculant alors d'avantage dans un film d'espionnage.
Cela donne au film un réel suspense et une tension ce qui laisse à penser à un mélange des genres réussis, malheureusement, tout le côté dystopie, tous les messages que Del Toro commencent à développer à travers la relation amoureuse et les divers personnages (qui sont globalement une charge contre l'Amérique bien pensante) passent à la trappe. Et quand le final bascule dans une violence un peu inutile (on a l'impression que Del Toro s'en sert comme une moyen facile pour surenchérir la tension qu'il créait) le film finit par perdre la puissance et l'originalité qu'il avait bien entretenu jusque là. La fin semble d'ailleurs un peu facile et laisse un petit goût amer tant on a l'impression de s'être éloigné du comte qui semblait s'offrir à nous.
Il est difficile de faire une critique sur "The shape of water" car le film n'est pas mauvais en lui-même loin de là et a de réelles qualités, de plus les choix de Del Toro peuvent paraître pertinents ou non (je suis plutôt de ce côté) selon la sensibilité de chacun. Quoi qu'il en soit, il vaut quand même le détour (comme tous les Del Toro ou presque) ne serait-ce que part son originalité face aux standards actuels. Un film qui ne laissera personne indifférent, qui m'a personnellement frustré mais qui en ravira certainement d'autres. Preuve que Del Toro reste expert dans l'art de jouer avec la sensibilité des spectateurs.