Un cocktail d’amour adressé au cinéma de genre...

Fan de Guillermo Del Toro et de son univers, j’attendais ce nouveau film avec impatience. Lorsqu’en plus, j’ai cru comprendre qu’il s’agirait d’une romance interdite se déroulant sous les traits d’un hommage au film de Jack Arnold « La Créature du Lac Noir », j’étais d’autant plus enthousiaste. Car ce classique du cinéma fantastique sortie en 1954 et découvert pour ma part il y a seulement une dizaine d’années (revu depuis une petite dizaine de fois) est pour moi une œuvre devenue légion dans mes films de monstres de références. Ce qui me fait d’ailleurs aimer les travaux de Del Toro, est certainement la proximité qu’il a sur les classiques de monstres des studios Universal ou encore ceux de la Hammer. Les monstres et l’univers gothique qu’il élabore semblent avoir trouvé leurs inspirations dans des films tels que Frankenstein, Dracula, La créature du lac noir et j’en passe…
Bien que le cinéaste est trouvé sa propre identité, quand on est fan de ce genre de franchises, on est forcé d’admettre que les hommages et l’inspiration sont certains.


En parlant d’inspiration, peut-on crier « Cocorico » ? Cette question n’est pas anodine, puisqu’en effet, le cinéma français semble avoir inspiré ce nouveau film. Vous avez sans doute entendu dire que l’un de nos plus grands cinéastes criait au scandale, dénonçant un plagiat pure et simple de deux de ses œuvres les plus marquantes ("Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain", "Delicatessen"). Jean Pierre Jeunet, que j’admire véritablement, ne semble pas comprendre le sens du mot plagiat. Le plagiat est l’équivalent du mot copie. Hors, si je dois bien l’admettre, plusieurs scènes rappellent son univers, certaines très proches de celles qui vivent dans ses deux œuvres. Je ne pense pas que le film et j’en suis même certains soit un plagiat à proprement parler. Il y aune différence entre copier et s’inspirer, et si l’on y va par là, bon Dieu, mais Tarantino, n’aurait rien inventé !


Alors oui, l’héroïne campée d’ailleurs très justement et remarquablement par la comédienne Sally Hawkins, est le pale reflet physique d’Amélie Poulain. Son look, son insouciance, son émerveillement et sa Vision du Monde qui l’entoure, laissent apparaître des similitudes. Mais malgré tout, le message et l’environnement n’ont absolument pas les mêmes objectifs. Del Toro, produit-lui, un film de monstre, une histoire d’amour interdite qui évolue à travers de nombreuses références cinématographiques. On notera d’ailleurs, que l’héroïne vit au-dessus d’un cinéma, que les décors fabuleux rappellent énormément le cinéma des années 50, ou encore la peinture d’Edward Hopper (The Diner). Que de nombreux films trouvent écho, dans cette œuvre quand ils ne sont pas carrément mis en valeur, comme "Le Petit Colonel", "Une Nuit à Rio", "L’Histoire de Ruth" ou encore "Tu seras mon mari". Enfin, il y a également cette grande fenêtre dans l’appartement d’Elisa, un élément de décors qui rappellera aux cinéphiles, le film "Les Chaussons rouge". Puis bien sûr, l’amphibien, dont le look rappel à la fois le monstre de Jack Arnold, à la fois Abe Sapien des films "Hellboy", qui eux sont réalisés par Del Toro.


Mais soyons sérieux, il n’y a pour ma part aucun plagiat ! Ce film est un cocktail d’amour adressé au cinéma de genre, une explosion de passion qui rend hommage au sentimentalisme à la Française et une féerie qui exploite ses décors, son ambiance, sa dramaturge et son aspect gothique avec brio et respect inconditionnel. Il faut alors savoir apprécier une telle œuvre, car personnellement, j’ai ressenti cette admirable passion que retranscrit le cinéaste. Il propose une œuvre visuelle fantastique, et admirablement touchante. Les décors sont fabuleux et merveilleusement mis en avant par une photographie maîtrisée. Les costumes, les effets spéciaux, le casting tout m’a paru de haut niveau. La comédienne Sally Hawkins m’a littéralement transportée et séduit, Michael Shannon continu lui, d’incarner un personnage sombre, sournois et mal attentionné, mais putain qu’il est bon sous ses traits-là ! Quant à Octavia Spencer et Richard Jenkins, ils ne sont pas en reste coté talents et investissements. L’amphibien est incarné par l’habituel Doug Jones, qui signe ici, une nouvelle collaboration artistique avec Del Toro ("Le Labyrinthe de Pan", "Hellboy" 1 et 2, "Crimson Peak").


Et puis, il y a la musique, certains n’accrocherons pas, mais moi, j’ai adoré le style et encore une fois l’honneur qu’a obtenu la France dans cette œuvre. Alexandre Desplat compose une bande originale mélancolique et surprenante qui procure au film de véritables moments de tendresse, de poésie et de romance. Sur un ton nostalgique et à travers une mise en scène élaborée, nous sommes transporté dans un univers fluide, sombre et chaleureux. On entendra même retentir le titre « La Javanaise » de Serge Gainsbourg, chanté par une voix féminine (Madeleine Peyroux). Et ce n’est pas tout, puisque de très beaux morceaux jazz viennent parfaitement amplifier cette ambiance années 50, j'ai trouvé ça formidable !


Récompensé de quatre Oscar (meilleur film, réalisateur, décors et musique) et nommé dans de nombreuses catégories, ce film ne démérite absolument pas son palmarès.
On découvre une fable humaniste teinté de féerie, un film fantastique et romanesque, une déclaration d’amour au cinéma de genre et un divertissement vintage, épique et intimiste.
Sous ses allures fantastiques, cette œuvre de Del Toro s’avère l’une des plus abouties, si ce n’est la plus aboutie. Elle se permet d’étaler une multitude d’hommages et de traiter de différents aspects de société, comme le racisme, l’intolérance, la solitude ou encore le handicap. Tout en proposant une toile esthétique rarement vue au cinéma, merveilleuse et puissante !
En bref, un film immanquable !


www.cinevor.com

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le 28 mars 2018

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