Avec La Graine et le Mulet, Abdellatif Kechiche transcende par le cinéma une histoire que l'on assimile au réel, s'attardant sur des scènes de vies quotidiennes ou banales, à l'image de repas de familles, pour en faire ressortir tout un panel d'émotion.
Il y a une grande justesse dans la mise en scène et l'écriture de Kechiche, il filme le quotidien et la routine avec sensibilité, rend les personnages et situations attachants. Chaque séquence à son importance, et dans chaque personnage il trouve une profondeur, une richesse ou tout simplement un intérêt, dépassant le cadre de l'apparence. Rien n'est surjoué, que ce soit lorsque les larmes coulent, durant les ragots quotidiens au bar du coin ou les non-dits, lorsque tout passe par le regard ou un geste simple, tout parait improvisé et c'est saisissant.
Ce cinéma est aussi, et surtout, social, à travers le portrait d'un homme parfois pathétique, caressant son rêve compliqué et aimant sa famille, jugé trop vieux et plus rentable pour le monde du travail, qui va devoir jongler entre tout cela (famille, projet, problème ...). Kechiche filme aussi une certaine idée de l'intégration, où les traditions d'un autre pays vont être apportées dans un nouveau, tout en s'intégrant à celui-ci. Il n'a pas besoin de faire appel à des méthodes violentes (racisme, dramaturgie exagérée) pour véhiculer des messages et/ou apporter une réflexion. Enfin, c'est une magnifique vision de la solidarité familiale, de se surpasser pour autrui et surtout transmettre et partager aux futurs générations.
Plusieurs séquences sont marquantes et touchantes, car sans artifices, comme lorsqu'une fille tente de convaincre sa mère d'aller à l'ouverture d'un restaurant ou Slimane, désespéré, tentant de rattraper des voleurs. Les comédiens sont d'une grande justesse et tous très bons, à l'image d'Hafsia Herzi, ils participent pleinement à l'atmosphère mise en place, Kechiche parvenant à nous faire sentir la convivialité, les affaires de familles, les rires, engueulades, les petites choses de la vie et l'odeur du couscous, et c'est un réel bonheur.
Faisant preuve d'une grande justesse, Abdellatif Kechiche livre avec La Graine et le Mulet une oeuvre sociale teintée de vraies émotions, sans artifices et prenante, nous faisant sentir proche de ces gens et sublimant des quotidiens, des relations et tout simplement les choses de la vie.