Je cherche un faussaire ivrogne chauve ou portant perruque. Et détestant le cassoulet.

L'inspecteur Simon Triquet (Bourvil) démasque bien malgré lui un fabriquant de faux billets, un ivrogne chauve ou portant perruque et détestant le cassoulet. Bien décidé à lui rendre la monnaie de sa pièce, la justice envoie ce dernier illico presto à la guillotine mais cette dernière s'enraye et ne tranchera pas la bonne tête. Profitant qu'il en ait encore un, le faussaire prend ses jambes à son cou et fuit dans la campagne, en Auvergne. Qu'est-ce qu'on ne va pas faire lorsque l'on est désespéré !

Et n'allez pas croire, notre bon Triquet en est grandement soulagé ! Lui, dans la police un peu par hasard, résolvant parfois quelques affaires sans le faire exprès, se sentait un peu mal de voir un homme perdre la tête à cause de lui. Il n'a plus qu'une idée dans la sienne : retrouver cet ivrogne chauve ou portant perruque, détestant le cassoulet, pour l'empêcher de commettre un nouveau crime, seul motif qui pourrait le condamner à nouveau à la peine capitale.

Le voilà parti et nous avec dans un petit village au nom annonciateur : Barges.

J'ai adoré ce film. Et pas parce qu'il est tourné en Auvergne. Pas seulement en tout cas.

Pas un personnage n'est "normal", pas un seul ne possédant pas un tic, une excentricité voir une bizarrerie ou un vice. Le médecin est alcoolique et cynique, le vieux mateur à jumelles semble avoir trop d'affinités avec un simple mannequin, le maire au tic de langage ? Quoi ? impayable, le gendarme trop soucieux de ses cheveux, le boucher qui ne perd pas la main en en coupant...

Et au milieu de tout ça : Triquet.

Ce doux-dingue dont on arrive jamais à savoir s'il est vraiment aussi naïf qu'il en a l'air ou si derrière ce masque bon enfant se cache une ruse insoupçonnée, qui coure plus qu'il ne marche... A moins que ce ne soit l'inverse ?
Bourvil au sommet de son art, bondissant cabri sur fond de "WoopWoop" que l'on suit agréablement dans cette enquête ma foi assez décousue et vite court-circuitée par la menace d'une terrible "bête" : la bargeasque, sorte de monstre légendaire qui lorsqu'il fera son apparition ne manquera pas de combler comme je le fus, les amateurs de monstres en plastique plutôt défraîchi.

Au-delà de la galerie de personnages délurés et des recherches sur cet ivrogne chauve ou portant perruque et détestant le cassoulet, ce qui en soit se suffit en lui-même, Mocky parvient même a instaurer une ambiance fantastique sympathique en début de film, rappelant l'horreur gothique à la Hammer de par son noir & blanc, ses (beaux et bons) éclairages, etc...

Mais la force du métrage reste ce p'tit côté surréaliste voir absurde, le fait que l'on sente les acteurs s'amuser, prendre du plaisir à ce qu'ils font. Les dialogues signés Queneau sont irrésistibles ("Moi, j'me suis fait tout seul. J'suis un no man's land !") et la satire du bon bourgeois, de la société, que ne peut s'empêcher de livrer Mocky vise juste sans alourdir le film. On se laisse emporter (ou pas) par l'ambiance générale et l'on prend un plaisir fou à regarder cette cité de l'indicible peur, gommant les défauts qui ailleurs auraient pu nous déranger.

Le genre d'oeuvre qui file une patate d'enfer et donne envie de reprendre en coeur sa chanson thème : https://www.youtube.com/watch?v=0PSqQbaYJgc

Et puis ce titre !

EDIT : lorsque j'ai écris cette critique, le titre en question était "L'indicible cité de la peur".
Pravda
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le 4 juin 2014

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Pravda

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