Animé par le désir ardent de peindre la porosité des frontières entre humanité et animalité, Jean-Jacques Annaud tient avec La Guerre du feu l’une de ses créations les plus marquantes, originales et, dans un sens, révolutionnaires. Le récit repose tout entier dans la quête qui s’apparente, pour nos héros, à une guerre pensée aussi bien comme une somme d’affrontements belliqueux qu’en tant que fléchissements d’un mode de vie et de pensée : parcours d’apprentissage au terme duquel la communauté sortira renforcée, élevée par une découverte fondamentale et par l’insertion en son sein d’un membre étranger, le film capte avec toute la brutalité nécessaire le conflit qui, chaque jour, oppose l’homme à la nature : le froid, la faim, les marécages, les autres hommes et animaux. Cinéaste-anthropologue, Annaud donne vie à nos manuels d’Histoire et nous raccorde non pas tant à des ancêtres communs qu’à un état d’humanité où les corps se voyaient directement exposés aux éléments, dans une symbiose aujourd’hui perdue. Les hommes regardent vers le ciel, s’unissent et se battent au gré des rencontres fortuites – la scène de domestication des mammouths, l’attaque des tigres. Le danger campe une place première, et le feu irradie le métrage comme lueur d’espoir d’un renouveau lorsque la lumière du jour disparaît.