J'ai eu du mal avec ce film. Sur 24 heures on suit trois types, Said, Vinz et Hubert, des prototypes de ce qu'on appelle communément des "racailles". Vous savez ces champions des incivilités qui font chier tout le monde dans les transports en commun et dans la rue en général quand on a l'infortune de les croiser ? Ces types qui vivent souvent grâce à des aides de l'Etat et donc de l'argent des contribuables et qui trouvent bien de les remercier en vandalisant les biens publics, les abris de bus, en criant fort pour faire peur, en vociférant des insultes, en se montrant agressifs en permanence. Ces types qui manquent de respect à tout le monde et notamment à la gent féminine en ne pouvant s'empêcher des commentaires touchant au harcèlement sexuels dès qu'une femme qui leur plaît passe devant eux.


Voilà le genre de types dont Kassovitz a fait les héros de la Haine et avec qui on passe 1h30. Même si Hubert est plus modéré que les deux autres, il est difficile pour moi d'avoir le moindre semblant d'empathie pour ces personnages, qui ont en commun d'exister par la violence, l'intimidation et l'agression, qu'elle soit ne serait-ce que verbale - il faut les entendre s'insulter entre eux.


Sans empathie avec ces gus, que reste-t-il ? Une trame simple mais que j'ai eu du mal à comprendre : les trois vont à Paris, pourquoi ? Un enjeu dramatique qui fonctionne plus ou mois : Vinz a trouvé un pistolet et vocifère que si leur pote Abdel, envoyé à l'hosto par des flics, meurt, il tuera un policier. Va-t-il le faire ? Mais le film n'est pas très efficace là-dessus puisqu'il se disperse énormément et ne maintient pas une progression de la tension. Au cours de l'histoire ce sont des évènements qui semblent assez improbables qui font évoluer les personnages. Hubert et Said sont attrapés par des policiers pour incivilités (jusque là normal) mais se font humiliés limite torturés par des ordures de flics au commissariat, avec deux racistes violents bêtes et méchants qui rigolent en "formant" un cadet passif à comment faire du mal aux voyous sans commettre de bavure. Ça passe par des insultes, de l'asphyxie, des gestes humiliants sur les dents blanches d'Hubert qui est noir...


Quand je vois cette scène j'ai le sentiment que Kassovitz montre un comportement abject de la part des autorités pour justifier la "révolte" des personnages envers le système. J'ai envie de croire que des choses comme cette scène ne se passent pas dans notre pays ou du moins sont extrêmement rares, de fait s'en servir de levier dramatique semble paresseux, un moyen faible de dégoûter Hubert de sa propre modération et faire monter la révolte.


Après il y a une confrontation avec des néo nazis où Vinz défend ses amis en menaçant de tirer à bout portant dans la tête d'un nazi joué par Kassovitz. Il est encouragé par Hubert mais ne le fait pas. Soit. Ça se termine bien et les amis rentrent chez eux avec un Vinz apaisé.


Vinz donne l'arme à Hubert, censé être le raisonnable du groupe. Puis Vinz et Said croisent des flics dans la rue. Un des flics torture (encore une fois !) Vinz en promenant son arme de poing sur son visage en rigolant. Attitude très professionnelle et très crédible, hein ! Là accident, le coup part et Vinz meurt. Hubert accourt avec son flingue, braque le flic et tire. Fin du film.


La Haine est difficile à considérer avec sérieux tant il présente des comportements de flic invraisemblables. Je veux bien qu'il y ait des bavures, mais deux aussi énormes et criminelles dans la même journée et avec les mêmes individus... C'est pousser la réalité dans un sens pour asseoir un propos qui ne semble pas sentir très bon.


A l'argument que la Haine est une fable et n'a pas une vocation réaliste, je rétorque l'ironique et prétentieux carton de fin de film "toute ressemblance avec des faits réels est fortuite".


La Haine utilise par ailleurs des images d'archives où de méchants policiers tapent de gentils manifestants et habitants de cité sur fond de reggae...


Malhonnête, agaçant, immature et peu crédible.

Pedrof
3
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le 20 juil. 2016

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Pedrof

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