Le cinéma de genre en France, ça a toujours été une drôle d'histoire.

Véritablement méprisé par les producteurs pendant longtemps, il semble dernièrement renaître de ses cendres suite à la compréhension tardive par le milieu du potentiel de ce type de films, pouvant à la fois proposer des expériences fortes et intéressantes tout en touchant un large public, comme l'on compris depuis un certain temps nos amis espagnols avec des œuvres comme [.Rec] ou l'Orphelinat. Fort de ce regain d'intérêt et peut être d'une certaine motivation à engendrer des bénéfices face à des machines à fric comme la série Saw, les producteurs ont sus dernièrement donner sa chance à un cinéma qui ne demandait qu'à faire ses preuves. Martyrs, A l'intérieur, Mutants ou encore Frontière(s), les tentatives se sont succédées à toute allure, avec les résultats qu'on connaît.

Aujourd'hui, un autre réalisateur tente à son tour l'aventure et pour le coup, autant dire qu'il est attendu au tournant. Yannick Dahan, célèbre critique cinéma qui commença chez MadMovies pour ensuite animer depuis 7 ans maintenant l'émission Opération Frisson, tente désormais sa chance pour faire renaître un cinéma qu'il a toujours défendu tout en ayant forgé autour de lui une communauté de passionnés, dont Benjamin Rocher qui co-réalise avec lui La Horde, film d'action horrifique réalisé par des passionnés (avec la boite de production Capture [The Flag] Films dont le nom parlera immédiatement aux geeks...), pour les passionnés. Et à l'heure où tous les détracteurs du journaliste toulousain se préparent à sauter sur son film aveuglément pour lui en mettre plein la tronche, le film s'est dévoilé jeudi 7 janvier au matin sur les Champs Elysées, dans une salle remplie par les figurants du film et des journalistes curieux de voir le résultat...

Soyons honnêtes : ça commence très mal. Tout le générique du film et son introduction, faisant écho au court métrage Rivoallan réalisé par les mêmes hommes, pose des enjeux de façon molle et maladroite avec une réalisation proche d'un téléfilm et une brochette d'acteurs loin d'être convaincants et convaincus par ce qu'ils jouent. Des dialogues clichés et anecdotiques, une arrestation musclée à la violence plus gratuite qu'autre chose, tout le démarrage du film rame sévèrement et peine à trouver du souffle, quand bien même les acteurs tentent d'en donner pourtant en répétant lors de l'arrivée sur le lieu principal du film, un immeuble HLM en banlieue, qu'on va avoir droit à un véritable carnage puisqu'il est question d'un règlement de compte musclé et sans concession dont les protagonistes peinent à trouver une légitimité.

Comme toujours, les choses ne se déroulent pas exactement comme prévu et une embuscade va mettre les 4 policiers et le gang local dans une position délicate. Et si tout cela n'était pas assez bordélique, la situation va vite exploser lorsque des zombies vont subitement débarquer dans tous les sens... C'est alors que le film va véritablement démarrer, instaurant alors une tension qui va aller crescendo et une mise en scène bourrée à l'adrénaline et ne lésinant pas sur le gore puisque si vous vouliez du sang, de la chique, et du molard, vous allez être servi...

Dahan et Rocher se sont toujours posés en défenseur du cinéma de genre et force d'admettre que lorsqu'il s'agit de plonger leurs personnages dans un survival brutal, rythmé et sans concession, les deux réalisateurs dont c'est le premier long métrage savent y faire. La longue descente aux enfers (au sens propre comme au figuré...) que va vivre l'improbable équipe par ailleurs fragile se révèle très efficace sur la forme comme sur le fond puisqu'on trouve dans le film de nombreuses oppositions ayant une résonance sociale. Le lieu de l'action n'est pas anodin, et le long métrage dénonce brièvement mais sûrement des conditions de vie précaires pour les banlieues et un laissé à l'abandon tout sauf glorieux. Les deux groupes que à priori tout oppose sont forcés de s'unir pour survivre et malgré les différents et les difficultés, ils vont chacun faire leur salut à leur manière avec comme personnage charnière un vieux franchouillard ayant fait l'Indochine et pour qui les zombies ne sont qu'un énième ennemi à flinguer à toute berzingue. Ce passage à témoin entre l'ancienne et la nouvelle génération provoquera donc de nombreuses tensions mais aussi quelques scènes étonnamment drôles, en partie grâce à l'excellent jeu d'Yves Pignot, acteur de théâtre dont le franc parler et la bonne humeur face à l'horreur ne manqueront pas de faire mouche.

D'ailleurs, les réalisateurs arrivent même lors d'une scène à inverser complètement la donne et à donner dans l'horreur pure lorsque les humains font preuve d'une cruauté incroyable face à une « contaminée », réussissant même à donner de l'empathie pour la victime de la même manière que ce que Romero faisait dans Le jour des morts-vivants. Le parallèle entre les français et le maître du genre ira même un peu plus loin lors d'une scène dans l'appartement de René que certains verront comme un hommage direct au réalisateur culte mais la comparaison s'arrêtera là cependant, la réalisation ayant plus à voir avec les récentes productions du genre telles que le désormais célèbre 28 Jours Plus Tard de Danny Boyle, ce qui n'est pas moins élogieux.

La Horde réussit à fonctionner pleinement comme film de genre aussi grâce à un production design très soigné, avec des décors sont tous plus crasseux et sales les uns que les autres, rivalisant toujours plus les uns les autres pour instaurer une ambiance sordide à l'aide de litres de sang bien éparpillés comme il faut. Le film étonne même lors de certains plans en extérieur totalement apocalyptiques comme une vue de l'immeuble très iconique ou la vision d'un Paris à feu et à sang. Malgré les limites que subissent ces plans en raison du budget très serré (2,8 millions d'euros, sachant qu'un 28 Jours plus Tard a coûté presque le double !), on reconnaîtra une esthétique intéressante proche du comic book, ce qui est d'ailleurs totalement revendiqué par les géniteurs du film.
Enfin, le maquillage des zombies et les effets gores ont bénéficiés d'un soin tout particulier, ce qui renforce la présence de ses derniers avec un travail sur les cris mélangeant voix humaine et animale pour un résultat très prenant.

Bien entendu, tout cela est mis au service de l'action et autant dire que si comme moi vous attendiez toujours le carnage promis dans Zombieland ou une boucherie efficace dans [Rec]², et bien vous allez enfin être servis !! Ca défouraille méchamment, ca explose de la tête au shotgun, ca se fout sur la tronche à grand coups de tout ce qui est à portée de mains et ça charcute du zombie à la machette sans lésiner sur les effets gores, en envoyant valser des litres d'hémoglobine dans le décor bref, ça charcle sans retenu et avec un vrai plaisir communicatif, notamment dans un dernier quart d'heure durant lequel le film atteint des sommets et enchaîne les moments de bravoure jouissifs tout en se permettant un caméo qui en fera rire beaucoup et qui a pour le coup la grande classe, terminant le film sur une note bien plus réjouissante qu'au démarrage et nous permettant de tirer un bilan de l'ensemble...

Yannick Dahan & Benjamin Rocher nous avait promis un film d'horreur viscéral, efficace et subversif et dans l'état, force d'admettre qu'on ne nous a pas menti sur la marchandise. Bien évidemment, nous n'avons pas à faire à un chef d'œuvre du genre et même loin de là, le film souffrant d'un scénario mettant un certain temps à démarrer et souvent maladroit, d'acteurs pour le moins inégaux, et qui met du temps à trouver son rythme de croisière. Mais au-delà de ça, La Horde se présente bel et bien comme un film de genre ambitieux, violent, jouissif et moins con qu'il y paraît tout en ayant cette Fuck You attitude qui caractérise si bien ses auteurs.
Vous avez dit Bad Ass ? OH YEAH !
Xidius
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le 15 juin 2010

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Xidius

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