L’apogée du western classique a toujours défini son cadre dans l’illusion idyllique d’une frontière infinie : celle du vieux Far West, grande espace sauvage comme écriture mythologique de la Civilisation Américaine; du temps ou le Western Américain se faisait l’écho d’un espace commun des valeurs traditionnelles.
Très peu considéré par la critique malgré son genre fondateur, le Western a de tout temps entretenu un lien étroit entre l’Amérique et la perception de sa propre Histoire.
A partir des années 60, l’échec des productions américaines face aux succès humiliants des Westerns Italiens sonna le glas pour les Majors entre le public américain et la codification classique d’un genre arrivé à essoufflement…


Réalisé en 1968, le film de Peckinpah s’inscrit dans les bouleversements thématiques de son époque : le questionnement de l’Amérique avec sa propre Histoire, la redéfinition du bien et du mal via la remise en question d’un manichéisme classique, la perte de l’innocence…
Dès son ouverture, La Horde Sauvage exprime sa singularité par l’introduction de la fin de la Frontière. Les Héros classiques laissant place aux Bandits devant fuir l’Ouest et sa frontière mythologique…
Le récit, nébuleux et confus, fait table rase des codifications classiques : la cavalerie, la justice et la défense de la communauté sont ici expurgés. Très imprégné d’un esthétisme proche des Westerns Spaghetti, Peckinpah se démarque du genre en expulsant le caractère mythologique de son récit : les « Cow-boys » sont réduits à une dimension humaine et extrêmement pessimiste.


Très critiqué à son époque, La Horde Sauvage sera avec Orange Mécanique l’expression contemporaine et la figure matricielle d’une représentation jusqu’ici censurée par les codifications du Cinéma américain classique : celle d’une violence primitive.
A la différence du film de Kubrick, traitant cette thématique d’un point de vue cérébral à travers son conditionnement, le film de Peckinpah s’exprime dans une représentation des corps : la violence est avant tout charnelle; le sang est explicite et la chair se fait brutaliser.
Le réalisateur américain, doté d’un grand sens visuel, met en valeur son récit par son sens aigu du découpage avec ses ralentis; les scènes d’actions étant étirées pour mieux exprimer le désordre et la brutalité de l’espèce humaine.


Bien plus qu’un chant funèbre des westerns classiques, symbole du Western Crépusculaire, La Horde Sauvage s’est imposée dans le temps comme une référence esthétique et matricielle; un bouleversement esthétique et thématique dont le genre ne s’est toujours pas remis aujourd’hui…

Wirn
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le 19 sept. 2018

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