Gardien d’immeuble, Cleveland Heep (Paul Giamatti) découvre un jour dans sa piscine une jeune fille, Story (Bryce Dallas Howard), qui lui dit venir d’un autre monde, et être la proie de terribles créatures, qui veulent l’empêcher de retourner là d’où elle vient…


Quoiqu’on en dise, M. Night Shyamalan n’a jamais vraiment brillé pour la qualité de ses scénarios : entre un Sixième Sens certes émouvant, mais où rien ne tient debout, et un Incassable qui n’avait strictement rien à raconter, Shyamalan a régulièrement prouvé que s’il a souvent de bonnes idées, il n’est pas le plus indiqué pour les mettre en œuvre. Les plus rationalistes ne changeront pas d’avis en voyant La Jeune Fille de l’eau, tant son scénario est bourré des maladresses habituelles de son réalisateur et scénariste. Le film multiplie ainsi les situations ridicules et improbables où aucun personnage n’agit de manière crédible, prenant ainsi le risque de se couper d’une partie de son public.


Pourtant, s’il faut reconnaître une qualité à Shyamalan, c’est son talent pour la mise en scène. Formidable créateur d’atmosphères, le réalisateur sait toujours s’entourer des gens les plus compétents pour raconter une histoire, et à ce niveau, La Jeune Fille de l’eau est peut-être bien son film le plus abouti. L’alliance de la somptueuse photographie de Christopher Doyle et de la bande-son exceptionnelle de James Newton Howard nous offre sans doute une des meilleures alchimies que Shyamalan ait jamais atteint, revêtant son film d’une rare puissance narrative, qui bannit toute forme d’ennui du film.
Dominés par un Paul Giamatti extrêmement juste et attachant, les acteurs de Shyamalan réussissent pour beaucoup à s’extirper de la gangue de clichés dans laquelle le scénariste a englué leur personnage pour tirer ce dernier vers quelque chose de bien plus subtil et profond que ce que leur écriture leur autorise. Ainsi, l’on pourra regretter que le réalisateur ne maintienne pas davantage d’ambiguïté sur la réalité de l’histoire racontée par Story, Heep adhérant trop rapidement à ses propos ainsi que tous ceux à qui il en parle.


Mais en réalité, là n’est pas le véritable cœur de l’histoire. Car en effet, même si Shyamalan revêt par moments ses gros sabots (le nom de la jeune fille, pas franchement recherché par rapport au thème traité – la création d’une histoire –, tout le discours sur la portée future de l’œuvre de l’écrivain Vick Ran), il les met au service d’une bonne cause, puisque rapidement, tout ce qu’il met en place ici révèle son vrai but : réfléchir sur la création artistique, ce qui fait une histoire et le rapport de l’artiste à la réalité. Et en cela, La Jeune Fille de l’eau touche parfaitement sa cible.
De fait, par une série de métaphores intelligentes, quoique parfois soulignées de manière éléphantesque par un Shyamalan qui ne sait pas comment raconter subtilement son histoire (le rôle de l’eau comme élément purificateur et nouveau départ, expliqué trop frontalement par Heep), La Jeune Fille de l’eau emboîte ses éléments un à un de manière à illustrer sous nos yeux le processus créatif qui anime l’artiste, puisant son inspiration dans la réalité qui l’entoure, afin de la transcender et de la restituer sous forme d’une fiction, dont le rôle est, finalement, et paradoxalement, de mieux nous faire prendre conscience de certaines réalités. Ici, tout s’aligne parfaitement pour nous raconter une fable d’un bel optimisme sur l’homme, la souffrance, la recherche de son identité et la rédemption.


Et même si cette histoire est racontée avec la lourde patte de Shyamalan, le délicat équilibre entre le conte de fées et le drame réaliste qu’atteint ici le réalisateur permet au film de prendre malgré tout son envol, notamment dans un final d’une beauté plastique et émotionnelle époustouflante, qui efface d’un seul coup les nombreuses erreurs du film pour en faire une véritable bulle d’air, qui fait du bien dans le paysage cinématographie contemporain, devenu par trop étouffant. Et nous rappeler une des plus belles leçons qu’un film puisse nous apporter : le cinéma, décidément, c’est magique !

Tonto
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le 16 janv. 2019

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