D'une séquence d'ouverture virevoltante sur une autoroute jusqu'à une partie finale haute en couleurs, convoquant des inspirations visuelles telles que les œuvres de Jacques Demy et Vincente Minnelli, "La La Land" confirme tout le bien qu'on pense de lui depuis sa première mondiale en ouverture de la dernière Mostra de Venise : il s'agit là sans conteste de l'un des tourbillons cinématographiques de ce début d'année.
Après l'excellent "Whiplash", le prodige Damien Chazelle revient avec un second film dont l'ADN est définitivement musical, devenant le fil rouge (et cela sans jamais tomber dans le simple effet de style) qui guidera les deux personnages principaux, campé avec classe et sincérité par Emma Stone et Ryan Gosling, tout au long de leur histoire, de leur rencontre jusqu'à...je n'en dirai pas plus.
Mais contrairement à son précédent long où musique rimait avec acharnement et douleur dans le but de viser la perfection, elle rime ici avec évasion et liberté.
Se déroulant dans un Los Angeles coloré, très loin de l'image habituellement grisâtre de la Cité des Anges, cette romance entre Mia, une jeune actrice courant les castings pour espérer décrocher un rôle, mais devant pour le moment se contenter de servir des cafés au sein des studios de la Warner et Sebastian, un pianiste passionné de jazz rêvant d'ouvrir son propre club, fait se mélanger rêve et réalité : liés par la force de la musique et décidant de ne plus suivre les règles que leur dicte la société, nos deux personnages se déconnectent de la réalité qui les entoure pour mieux être ensemble et vivre leur vie à deux, mais cette réalité est toujours là pour leur rappeler que la vie n'est pas un long fleuve tranquille et souvent gorgée de désillusions.
Et ces deux oppositions, en les mettant en lumière de deux manières très différentes (notamment aussi grâce au superbe travail du directeur de la photographie Linus Sandgren), s'imbriquent parfaitement l'une dans l'autre tout au long de l'histoire et cela sous la direction du chef d'orchestre Damien Chazelle, qui manie sa caméra avec une fluidité et une précision exemplaire et ne laisse jamais rien au hasard. Il a eu, entre autres, la très bonne idée de filmer toutes les parties chantées en plan-séquence, renforçant encore davantage à l'écran ce travail d'orfèvre musical à travers cette unité de temps et transformant ainsi chacun de ces numéros en véritables ballets poétiques et entraînants, rappelant l'Âge d'Or immortalisé par Fred Astaire ou Gene Kelly, mais sans jamais tomber dans l'ombre de ses aînés.
Tout cela confère son rythme et son énergie débordante à ce film, dont Chazelle mûrissait l'idée depuis 2010 et qui est bien plus qu'une simple "comédie musicale", pouvant passer d'un concert survolté à quelques notes de musique mélancoliques jouées sur un piano, à l'image du grand huit de la vie que nous vivons tous, avec ses hauts et ses bas, ses rires et ses pleurs, ses réussites et ses regrets.
"La musique adoucit les mœurs" dit-on. "La La Land" fait bien plus que ça et est à ne rater sous aucun prétexte.
Une œuvre passionnée et passionnante. Une œuvre qui se déguste avec les yeux et les oreilles. Une œuvre dédiée aux doux rêveurs...et à ceux qui les concrétisent.

Raphoucinévore
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le 28 janv. 2017

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Raphoucinévore

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